La dynastie Song (960-1279) est une période riche de l’histoire culturelle de la Chine, dans tous les domaines tels que les arts picturaux, la littérature, les divertissements, les codes vestimentaires, les arts culinaires et la philosophie. La culture en Chine a durant cette période largement profité de l’impressionnant essor économique et technique, avec notamment le développement de la xylographie, mais également du soutien sans modération de l’élite lettrée chinoise qui a contribué au développement culturel en finançant les artistes.
Les arts picturaux atteignent un niveau de sophistication encore jamais égalé dans l’histoire de l’art chinois. Reflets du déclin du bouddhisme et de la montée du néoconfucianisme dans les milieux aisés, ils témoignent également des préoccupations changeantes des Chinois au fur et à mesure du temps à travers les thèmes abordés par les artistes.
En termes de littérature, la période Song conserve la tradition de la poésie ci et connaît certains poètes majeurs, tels que Su Shi ou encore Li Qingzhao. Profitant des progrès de l’imprimerie, la littérature chinoise se diversifie en genre, avec la rédaction d’importants ouvrages historiographiques, encyclopédiques, techniques et géographiques. Contributeurs importants de ces genres littéraires, Shen Kuo et Su Song sont à l’origine de nombreuses compilations d’ouvrages scientifiques et techniques qui témoignent des avancées technologiques de l’époque. Par ailleurs, les livres décrivant des carnets de voyage deviennent également populaires grâce aux travaux de Fan Chengda.
Avec l’essor économique, les Chinois consacrent plus de temps aux divertissements. Dans les grandes villes, des quartiers dédiés aux loisirs se développent afin de répondre aux attentes croissantes des citadins. Les arts scéniques se développent et se diversifient. Tout au long de l’année des festivités sont organisées pour divertir les Chinois, avec feux d’artifice, carnavals et banquets grandioses, au cours desquels les plats des différentes régions de la Chine sont proposés.
Signe extérieur de niveau social, le code vestimentaire est strict. Par exemple, selon leur rang professionnel la couleur des vêtements des fonctionnaires est différente, le violet étant réservé aux plus hautes fonctions, même si ce code s’assouplit progressivement, notamment sous la dynastie des Song du Sud. Alors que les nobles se parent de Hanfu, sortes de robes en soie, les classes sociales les moins aisées préfèrent quant à elles les pantalons pour des raisons pratiques.
La Peinture sous la dynastie Song
Il existe une importante différence dans les tendances picturales entre la période des Song du Nord (960-1127) et celle des Song du Sud (1127-1279). Les peintures des fonctionnaires des Song du Nord sont influencées par leurs idéaux politiques de maintien de l’ordre dans le monde et de lutte contre les problèmes importants qui affectent la société. Par conséquent, leurs peintures décrivent souvent de grands paysages4. À l’opposé, les fonctionnaires des Song du Sud ne souhaitent pas réformer la société en profondeur, mais à petite échelle. Une stratégie qu’ils estiment plus efficace que celle de leurs homologues du Nord4. Par conséquent, leurs peintures représentent des scènes plus petites et plus intimes, pendant que l’arrière-plan est dépourvu de détails4. Ce changement d’attitude d’une période à l’autre provient principalement de l’influence de la philosophie néoconfucianiste. Les partisans de ce mouvement préfèrent mener des réformes de la société du bas vers le haut, comme le laisse croire la promotion des petites académies privées au détriment des grandes académies contrôlées par l’État, comme ce fut le cas au cours de la période des Song du Nord5.
La peinture est considérée depuis les dynasties du Nord et du Sud (420-589) comme un art sophistiqué par la noblesse qui en fait son principal passe-temps artistique, avec la calligraphie et la poésie6. Durant la dynastie Song, les nobles sont d’avides collectionneurs d’art qui se réunissent parfois pour discuter de leurs propres peintures, mais également pour évaluer celles de leurs collègues et amis. Le poète et homme politique Su Shi (1037-1101) et son complice Mi Fu (1051-1107) participent souvent à ces activités artistiques. Ils empruntent des œuvres afin de les étudier et de les copier. Ils proposent même des échanges pour les plus remarquables d’entre elles4. Par ailleurs, les petites peintures rondes sont populaires chez les Song du Sud. Elles sont souvent compilées dans des albums autour desquelles les poètes écrivent des poèmes sur le même thème et dans le même esprit que ceux de la peinture4.
Même s’ils sont des collectionneurs avides, les fonctionnaires Song ne sont pas prêts pour apprécier les œuvres issues des classes sociales inférieures. Anthony Barbieri-Low, professeur en Histoire de la Chine antique à l’Université de Californie à Santa Barbara, remarque que l’appréciation en art des fonctionnaires Song ne se cantonne qu’à l’intérieur de ce cercle fermé et ne s’étend pas à celui des artistes professionnels7 :
« Durant les Song du Nord (960-1126), une nouvelle classe d’artistes fonctionnaires apparaît. Elle ne possède pas les compétences en trompe-l’œil des peintres académiques, ni le niveau des peintres de métier. Les peintures des érudits sont plus simples et parfois sans instruction, mais ça ne les empêche pas de critiquer les autres comme des professionnels (…). Les artistes fonctionnaires considèrent que les peintres qui se concentrent sur des représentations réalistes, qui emploient des palettes colorées ou, encore pire, qui acceptent d’être payés pour leur travail, ne sont pas meilleurs que les bouchers ou les bricoleurs de la place du marché. Ils n’étaient pas considérés comme de vrais artistes7. »
Malgré cette attitude des fonctionnaires, les peintres talentueux de la cour sont grandement appréciés par l’empereur et la famille royale. L’un des plus grands peintres paysagers professionnels qui vécurent à la cour des Song est Zhang Zeduan (1085-1145). Il a peint la fameuse fresque intitulée Le Jour de Qingming au bord de la rivière. D’autre part, l’empereur Song Gaozong (1127-1162) a commandé un travail artistique composé de plusieurs peintures appelé Dix-huit chansons à la flûte nomade, s’inspirant de la femme-poète Cai Wenji (177-250) de la dynastie Han.
L’école du Sud
Le terme d’« École du Sud », fut, dit-on, créé par le lettré artiste Dong Qichang (1555-1636), qui emprunta le concept au Bouddhisme Ch’an (Zen), lequel avait également une École du Nord et une École du Sud28.
L’École du Sud, selon le peintre lettré Dong Qichang et à sa suite toute la critique chinoise jusqu’à la fin du xxe siècle, est un genre de peinture qui aurait son origine dans une peinture réalisée non pas avec la pointe du pinceau mais avec tout le pinceau, étalant une encre plus ou moins diluée et souvent nuancée dans son étendue, les chinois disent « sans os ». Mi Youren, dans son évocation de la région des rivières Xiao et Xiang29, en est un très bon exemple. Il s’inspire d’une vue réelle, à cinq cent mètres au nord de Zhenziang. Cette pratique s’oppose à celle de l’École du Nord, considérée comme étant plus formelle (plus attachée à la forme qu’à l’esprit de l’œuvre)N 6. Selon Dong Qichang, l’École du Sud représente la tradition orthodoxe lettrée30.
Les peintres – dits de l’École du Sud, ou du style monochrome « lettré » selon Dong Qichang (1555-1636) – travaillaient à l’encre de Chine, utilisée seule avec plus ou moins d’eau, en lavis fondu comme Mi Youren, mais pas uniquement, éventuelement frotté, comme Huang Gongwang et Ni Zan, pour produire des peintures monochromes. L’École du Sud se caractérise par l’expressivité du coup de pinceau et une approche plus impressionniste que celle de l’école du Nord. Celle-ci, toujours selon Dong Qichang, a une approche plus formelle, plus attentive au détail. Il travaille à la pointe du pinceau, en jouant sur les différentes formes produites selon l’angle, la pression, etc.. Il peut faire appel à la couleur, ne s’interdisant pas d’avoir, éventuellement, recours à tout le raffinement des méthodes des peintres professionnels sans les couleurs intenses. Dong Qichang, quant à lui, s’est fortement inspiré des peintres qu’il appréciait, jouant de plusieurs styles empruntés et de la couleur dans la même peinture, afin d’exprimer moins la nature qu’une humeur31.
Le type « idéal » du peintre lettré de l’École du Sud vivait à l’écart dans les montagnes ou dans une région retirée de la campagne, non pas totalement isolé, mais au contact étroit des beautés de la nature, bien loin des soucis du monde. En réalité, sous les Song, la grande majorité des peintres lettrés avait un emploi de fonctionnaire ou en avait le niveau de culture. Malheureusement, un grand nombre de lettrés se retrouvèrent sans emploi sous les Yuan, pour des raisons clairement politiques, ayant été écartés ou s’étant délibérément écartés de l’administration d’occupation. Ensuite, surtout à partir des Ming, les emplois étant devenus plus ou moins héréditaires, un grand nombre de personnes cultivées n’avait pas accès à cette sécurité. Beaucoup durent vivre de leur peinture, bien que leur style relevât pleinement du style de l’École du Sud.
Ce lettré, idéal ou non, aimait donc aussi la culture en général et pratiquait souvent les Quatre Arts du lettré chinois, recommandés par le confucianisme : la peinture, la calligraphie32, la musique chinoise, et les jeux d’adresse et de stratégie. Bien souvent, il combinait ces éléments dans ses œuvres ; par ailleurs, il se réunissait avec d’autres lettrés, certains plus portés sur un art en particulier, pour mettre en commun leur intérêt pour toutes ces pratiques du corps et de l’esprit.
Dong Qichang mit bien en lumière ce qui caractérisait la peinture chinoise, mais il a arrêté bien des développements chez les lettrés pendant les trois siècles suivants33. Il défendait la notion de « voie orthodoxe » en matière de peinture, dont il voyait l’origine dans l’école du Sud. Mais il envisageait l’orthodoxie à réaliser comme la fusion entre la tradition du Nord et celle du Sud, entre la manière de Dong Yuan et Juran, d’un côté, et celle de Li Cheng et Guo Xi, de l’autre, entre les styles des Song et des Yuan, et entre ceux des « quatre maîtres » de la fin des Yuan : Huang Gongwang, Wu Zhen, Ni Zan et Wang Meng. Son influence a été grande sur ces peintres qui prétendaient relever de cette « orthodoxie », en particulier les « quatre Wang ». Ces derniers, tout en poursuivant l’œuvre de Dong, ont suivi l’orientation du « retour à l’ancien » en prenant pour référence exclusive la tradition du Sud. Ces quatre Wang sont Wang Shimin (1592-1680), Wang Jian (1598-1677), Wang Hui (1632-1717) et Wang Yuanqi (1642-1715)34. Cette période, qui couvre l’art de la fin des Ming au début des Qing, fut d’une grande créativité artistique.
Bunjin-ga (Japon)
À partir du xviiie siècle, la mentalité des lettrés chinois commença à être adoptée par des artistes japonais, pour conduire à la peinture de lettrés japonaise, le bunjin-ga. Comme les lettrés japonais (文人, Japonais : bunjin) avaient interdiction de quitter le Japon et n’avaient que peu accès aux œuvres chinoises originales et aux lettrés chinois eux-mêmes, le mode de vie, la mentalité et l’art changèrent considérablement en passant de la Chine au Japon. En dehors de sources d’inspiration purement japonaises, ces bunjin ne purent s’imprégner de l’influence chinoise qu’au travers de livres d’art imprimés par gravure sur bois, qui s’efforçaient de communiquer les idéaux et les méthodes de l’École du Sud.
Objets emblématiques du lettré chinois
Plusieurs expositions se sont consacrées aux objets (« pierres étranges » du lac Taihu, dressées dans leurs jardins, pierres montées en porte-pinceaux ou en écrans de bureau, et sceptres ruyi en bois naturellement tordus, parmi d’autres objets choisis avec leurs pinceaux) dont aime à s’entourer le lettré chinoisN 7.