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L’art de la miniature

 

La miniature

 

Aperçu
La miniature avant le XIIIe siècle
La miniature depuis le XIIIe siècle

 

Selon la définition des dictionnaires, le mot Miniature désigne une « sorte de peinture délicate qui se fait avec des couleurs très fines délayées à l’eau gommée». Dans cette acception, qu’on a appliquée à des manifestations de l’art bien différentes, le mot a été détourné de son sens étymologique. D’importation italienne, il ne fut introduit dans la langue française que vers la fin du XVIe siècle. Il dérive du verbe latin miniare : écrire au minium, oxyde rouge de plomb. Au Moyen âge, le terme de miniator désignait le calligraphe se servant de cette substance ou celui qui la préparait; il était à peu près synonyme de celui de rubricator, scribe qui employait de l’encre rouge, quelle qu’en fût la nature. Le cinabre ou vermillon ayant presque remplacé le minium, on adopta en français la dénomination d’escriveur de vermillon.La calligraphie amena tout naturellement la décoration, l’ornementation des manuscrits. Celle-ci se traduisit d’abord par l’embellissement bien modeste des initiales des chapitres et des paragraphes, au point de vue de leur forme et de leurs dimensions, puis à celui de leurs éléments décoratifs. C’est la période purement calligraphique, ne relevant que de l’art de l’écriture, malgré l’emploi des couleurs; période ou fleurissait le « miniateur », quand bien même il employait d’autres nuances que celle dont il tirait son titre professionnel.

L’élément décoratif prit bientôt de l’extension. L’or et l’argent ayant été associés aux couleurs variées, il en résulta des pages d’un aspect éclatant, illuminées. Un nouvel art fut alors mis au service de l’industrie du livre manuscrit : « l’art d’illuminer » (ars illuminandi). On croit même que cette dénomination est d’origine parisienne, à en juger par les vers célèbres de Dante, qui, en parlant d’un peintre des manuscrits de son pays (Purgatoire, XI), l’appelle

L’onor di quell arte
Ch’ alluminare è chiamata in Parisi.

Le mot latin devint « enluminer » en français; les décorateurs des manuscrits furent dès lors désignés par le nom d’enlumineurs, et leurs oeuvres par celui d’enluminures. Plus tard, ce même terme d’enlumineur fut appliqué aux artisans ayant pour métier de colorier les estampes, notamment les gravures d’imagerie, ce qui correspond au mot « coloriste » actuel. On peut remarquer que c’est dans un même ordre d’idées, celui de représenter comme « éclatant » un livre orné de gravures, coloriées ou non, qu’on se sert aujourd’hui des vocables « illustré, illustration »; de sorte que les illustrateurs sont des successeurs directs des enlumineurs ou miniaturistes d’autrefois.La décoration des manuscrits

La Miniature avant le XIIIe siècle.
C’est dans les papyrus égyptiensqu’on trouve les plus anciens spécimens qui soient restés de la décoration des manuscrits. L’un des plus connus est au musée du Louvre et contient un traité anonyme d’astronomie, d’après Eudoxe. On en fixe la date au IIe siècle av. J.-C. Les figures dont il est orné sont curieuses, mais sans vrai intérêt artistique. Le papyrus se prêtait mal à ce genre d’ornementation. A ce point de vue comme à beaucoup d’autres, le parchemin présentait sur lui d’incomparables avantages. Et, comme les manuscrits enluminés ont toujours été plus appréciés que ceux qui ne l’étaient pas, il est naturel de constater qu’ils ont été conservés avec plus de soin et figurent parmi les plus anciens monuments de la paléographie grecque et latine. 

Miniature tirée d'un Evangile de Luc.
Miniature illustrant un Evangile de Luc.

Le manuscrit dans lequel les traditions antiques de la miniature se sont le mieux conservées est le Virgile du Vatican, appelé Vaticanus. Un fac-similé complet en a été exécuté en 1901, sur l’ordre du pape Léon XIII. Le seul manuscrit qu’on en puisse rapprocher est l’Iliade de Florence; et, encore ce dernier appartient-il plutôt à l’art grec. A l’art grec ou byzantin appartiennent aussi la Genèse et le Dioscoride de Vienne l’Evangéliaire de Rossano et le Saint-Matthieu de la Bibliothèque nationale. L’imitation de l’Antiquité fut pratiquée à Byzance mieux et plus longtemps que partout ailleurs. Elle est manifeste dans beaucoup de manuscrits, surtout dans le célèbre recueil d’homélies de saint Grégoire de Nazianze, de la fin du IXe siècle, conservé à la Bibliothèque nationale.

Les deux époques de la miniature médiévale
Pour mieux comprendre les destinées de la Miniature dans le monde chrétien au point de vue de ses transformations successives selon les contrées et les époques, il est commode de la diviser en deux grandes phases :

1° la phase hiératique; 2° la phase naturaliste. 

La première correspond à la période où le livre est avant tout au service de l’Eglise, de même que son exécutant qui en fait alors partie. Moine presque toujours, l’artiste est généralement tenu de se conformer, dans ses compositions d’ordre sacré, aux modèles et aux types traditionnels de pure convention, et il ne lui est guère permis de chercher ses inspirations en dehors de ces règlements ou ses modèles dans la vie réelle. En raison du public auquel il s’adresse, son but est essentiellement mystique, et même dans ses innovations il ne s’écarte jamais des règles du mysticisme. La période hiératique ne dura nulle part aussi longtemps ni ne fut plus immuable que dans l’empire d’Orient. Elle s’étend, dans presque tout l’Occident, et notamment en France, depuis le VIe jusque vers le milieu du XIIIe siècle.Avec la sécularisation des lettres et des arts commence une époque nouvelle. L’exercice de la calligraphie et de l’enluminure passe de plus en plus entre les mains des laïques, qui en agrandissent le domaine. La peinture se met au service des livres profanes, au fur et à mesure du développement de l’instruction générale et de la littérature. Dès lors, les artistes sont bien obligés de copier la nature, et, par contre-coup, la préoccupation du réel envahit aussitôt l’art sacré. Les types et les costumes traditionnels font place à ceux du temps, et il en est de même pour l’architecture et le mobilier qu’on fait figurer dans les compositions. L’art de la miniature subit ainsi une tranformation radicale.

Les miniaturistes byzantins ne cessèrent pour ainsi dire jamais de demeurer sous l’influence de l’art gréco-romain. Ils acquirent ainsi, par une connaissance plus sérieuse du dessin, une supériorité très grande sur les artistes de l’Occident. En revanche, pour le choix des figures et des sujets sacrés et pour la manière de les représenter, ils étaient beaucoup plus astreints à la stricte observance d’un code iconographique qui, à Byzance, depuis le Ve siècle, réglait minutieusement tous les détails. Les types du Christ et de la Vierge furent fixés presque dès la conversion de cet empire au christianisme; les figures des grands saints de l’Eglise grecque reçurent pour modèles des portraits traditionnels. On copiait presque servilement les uns et les autres, à tel point qu’à plusieurs siècles de distance on en rencontre des reproductions identiques. 

Toutefois, certains peintres s’écartaient parfois de ces règles étroites et s’inspiraient des modèles antiques, notamment dans des sujets de l’Ancien Testament, où l’on rencontre sous leur pinceau nombre de réminiscences, sinon des copies, des compositions païennes. Néanmoins, cette restriction de la liberté individuelle de l’artiste, cette uniformité du rendu qui constitue le trait caractéristique de l’art religieux de cette contrée; ce byzantinisme, pour l’appeler par son nom, détermina un déclin prématuré. Après la persécution exercée par des iconoclastes, l’art de la peinture se releva rapidement pour atteindre son apogée au Xe siècle, décliner ensuite peu à peu, surtout au XIIIe siècle, après la conquête de Constantinople par les croisés, et sombrer définitivement à la suite de l’invasion turque.

 

En Occident, le souvenir de l’Antiquité est encore visible dans le Pentateuque de Tours, mais il n’apparaît presque plus dans les oeuvres qui nous sont restées de la période carolingienne, et dont la décoration accuse l’influence de l’école irlandaise ou saxonne.Les manuscrits qui, vers cette même époque, ont eté exécutés en Espagne (la série la plus connue est celle de l’abbaye de Silos), en Italie, sur les bords du Rhin et en Angleterre, ne sont pas moins curieux, bien que d’un art plus rudimentaire. Le sacramentaire de Drogon de Metz et le psautier de Folchard ou Psalterium aureum de Saint-Gall comptent, cependant, parmi les volumes les plus précieux du IXe siècle.

Pendant la période qui suivit, les miniaturistes se préoccupèrent surtout de la décoration proprement dite. Aussi trouve-t-on dans les manuscrits du Xe au XIIIe siècle un grand nombre de lettres à entrelacs et à rinceaux, qui sont d’ailleurs ce que l’art de la décoration du manuscrit a produit, dans ce genre, de plus parfait. Mais les miniatures proprement dites de cette période ne sauraient être préférées ni à celles de la période carolingienne, ni surtout à celles du XIIIe et du XIVe siècle. L’un des plus précieux manuscrits de cet art qui eût été conservé, le fameux Hortus deliciarum de l’abbesse Herrade de Landsperg, a été brûlé en 1870 dans la bibliothèque de Strasbourg. Il y a enfin à citer la série des manuscrits de l’Apocalypse, dont le plus célèbre est celui de Saint-Sever, qui date du milieu du XIe  siècle.

La Miniature à partir du XIIIe siècle.
L’Âge gothique.
Au style qu’on a appelé, par comparaison avec l’architecture, style roman succède au XIIIe siècle, et surtout au XIVe, un style que, pour les mêmes raisons, on qualifie de gothique. La perspective laisse toujours à désirer, mais les figures sont traitées avec plus de proportions et de vérité. La faune et la flore se rapprochent de la nature, sans toutefois la copier.

Il reste du XIIIe siècle un assez grand nombre de manuscrits enluminés; mais, parmi ceux d’origine française, il n’en est pas qui soient plus précieux et présentent plus d’intérêt que les célèbres psautiers de la reine Ingeburge (Collection de Chantilly) et du roi saint Louis. Il convient d’en citer un autre non moins remarquable, qui a été exécuté à Saint-Denis, en 1250, et contient une série de miniatures où sont racontés les miracles du fondateur de l’abbaye. Aucun pays, d’ailleurs, n’a, dans ce siècle, produit d’aussi beaux manuscrits enluminés que la France.

Avec le XIVe, siècle paraissent les premiers vrais bibliophiles, qui donnent aux miniaturistes les encouragements les plus efficaces. Ce sont, d’abord, parmi les rois de FranceJean le Bon et Charles V, et, parmi les princes français, Louis d’Orléans, Philippe de Bourgogne et surtout le duc de Berry, Jean de France. C’est pour ce dernier qu’ont travaillé André Beauneveu, Pol de Limbourg et Jacquemart de Hesdin, dont les oeuvres sont aujourd’hui si justement admirées. Les plus beaux des livres d’heures que le duc de Berry fit exécuter se trouvent aujourd’hui à la Bibliothèque nationale (BNF), ainsi qu’à la bibliothèque de Bruxelles et à Chantilly.

Les Très riches Heures du duc de Berry.
Planche des Très riches Heures du duc de Berry.
(Juin).

La Renaissance.
Le XVe siècle a été l’âge d’or de la miniature. Les paysages, en particulier, deviennent quelquefois admirables de justesse et d’art. Les nus sont aussi bien meilleurs qu’autrefois, mais on sent toujours qu’ils n’ont pas été exécutés d’après des modèles. C’est à la seconde moitié de ce siècle qu’appartient Jean Fouquet (ou Jehan Foucquet), l’un des plus grands miniaturistes que la France ait eus. Ses illustrations des Antiquités judaïques de Josèphe, des Heures d’Etienne Chevalier, du Boccace de Munich, pour ne citer que les volumes les plus connus, sont rangées, à bon droit, parmi les chefs-d’oeuvre. De cette même époque datent aussi les Heures et le Diurnal du roi René, les Heures de Philippe le Bon (La Haye), les Miracles de la Vierge, avec grisailles (Bibliothèque nationale et Oxford), les Heures du Maître aux fleurs et de la dame de Lalaing, les Bréviaires d’Alexandre VI et du cardinal Grimani (Venise), etc.

La découverte de l’imprimerie eut pour l’art de la miniature les mêmes conséquences que pour Ie manuscrit. Le livre illustré remplaça le manuscrit enluminé. Le XVIe siècle a laissé, cependant, un certain nombre d’oeuvres remarquables. Ce n’est pas sans raison toutefois qu’on a dit, à propos des célèbres Heures d’Anne de Bretagne, peintes vers 1508 par Jean Bourdichon , qu’elles étaient  « le testament de la miniature expirante ». A cette même date appartiennent les belles miniatures du Voyage de Gênes, de Jean Marot, des trois volumes des Commentaires de la guerre gallique du Boccace et: des Echecs amoureux de Louise de Savoie; mais on ne trouve à signaler, pour la seconde moitié du siècle, que les Heures du connétable de Montmorency , de Henri II et de Catherine de Médicis.

Après 1600.
A côté de quelques ouvrages d’exception, comme la fameuse Guirlande de Julie, illustrée par Nicolas Robert, les Campagnes de Louis XIV et les Tapisseries du roy, les XVIIe et XVIIIe siècles n’ont laissé que des livres de prières ou des livres d’église : Heures de Louis XIV et du marquis de BadeLivre de prières de Jarry, avec miniatures de Petitot et Du Guernier;Cérémonial des carmélites de Bordeaux de Rousselet, etc. Et c’est à ce dernier genre de volumes que la miniature, s’est à peu près exclusivement limitée depuis.

Les autres territoires de la Miniature

L’histoire de la miniature est fort instructive sous bien des rapports, et pendant une série de siècles, surtout en France, c’est l’histoire même de la peinture. Mais l’application de cet art ne s’était pas bornée aux manuscrits. Dès le XVe siècle, en France, il participa à la décoration du mobilier, ce dont on a de nombreux témoignages et des exemples. Au XVIIe siècle, n’ayant plus un rôle suffisant dans le domaine du livre, il changea de terrain. On vit alors apparaître des petits tableaux en miniature, des portraits, puis des couvercles de boîtes, des tabatières, des appliques dans les meubles, des éventails. Ce n’est qu’en raison de l’exiguïté des dimensions de ces objets et surtout à cause de la délicatesse d’exécution, que le nom de miniature a été donné, par assimilation, à ce genre de peinture, et bien à tort, car le procédé en est différent. 

 

On attribue la propagation de ce goût à Henriette d’Angleterre, femme de Philippe, duc d’Orléans. En effet, si ces peintures isolées ont déjà joui d’une certaine vogue depuis le commencement du XVIIsiècle, grâce aux talents des Duguernier, puis de Petitot et de plusieurs autres spécialistes (André de Vito, Isaac Olivier, Jean Cerva, Jacques Ligozio, François et Michel Castello, J.-Guill. Bauer, Laire,  Fruitiers, Gerbier, Bisi, Jeanne Garzoni, Jacques Bailly, Aubriet, etc. ), la mode ne s’en répandit qu’après 1660, et ne prit tout son développement qu’au XVIIIe siècle. Longue est la liste de ceux ou de celles qui se firent connaître alors : Sophie Chéron, morte en 1711; J.-A. Artaud, de Genève, du premier quart du XVIIIe siècle, portraitiste; puis, son compatriote J.-E. Liotard; Rosalba Carriera, Vénitienne, qui révolutionna la miniature en lui donnant plus d’ampleur et de vaporeux; Van Blarenberghe, de Lille, célèbre par ses peintures des tabatières et des bonbonnières, spécialité dans laquelle avait brillé Klinastedt (nommé en France Clinchetel), mort en 1734; le Suédois Pierre-Adolphe Hall, qui devint peintre en titre de Louis XVI et de la famille royale, et qui introduisit dans ce petit art gracieux la vigueur et la liberté d’exécution nécessaires; Massé, Joseph Camerata, Baudouin, Chodowieczki, de Berlin. Nous relèverons encore quelques noms de marque, tels que Ferrand, Klingstet, Félicité Sartori, Leblond, Félicité Tibaldi, Ismaël Mengs, Koenig, Kodowiecky, Charlier, Dumont, Guérin, liste qui se continue au XIXe siècle par les noms d’Isabey, de Mme Herbelin, etc. Ce genre fut cultivé non seulement en France, mais aussi bien en Italie, en Suisse, en Allemagne; dont les artistes d’élite vinrent plus d’une fois éblouir et régenter Paris par leur renommée et leur talent réel.

La Miniature en Orient.
Il nous reste à dire quelques mots sur la miniature des pays orientaux. La représentation de la figure humaine étant en principe interdite par la religion musulmane, les manuscrits arabes n’offrent qu’une illustration purement décorative, mais souvent admirable. Il n’en est pas de même pour l’Inde et la Perse, ou la peinture dans les livres fut, depuis des siècles largement cultivée, et d’une façon généralement supérieure. On y rencontre aussi, en grand nombre, des miniatures isolées, portraits scènes diverses et copies de monuments d’architecture. d’une finesse d’exécution incomparable. (NLI / G. Pawlowski).

En bibliothèque. – Mayol, Introduction à la miniature, Amsterdam, 1771, in-12; Violet, Traité sur l’art de Peindre en miniature, Paris, 1788, 2 vol.; Bachelier, Ecole de la miniature, Paris, 1814, in-12; Ballart, École de la miniature, ouvrage revu par Cloquet, 1817; Mansion, Lettres sur la miniature, 1823, in-12.Ambroise Firmin Didot, Missel de Jacques Juvénal des Ursins, Paris, 1861, br. in-8°. 

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