Car l'un ne va pas sans l'autre !
Abû Ḥamid Moḥammed ibn Moḥammed al-Ghazālī (1058–1111), connu en Occident sous le nom d’Algazel2, est un philosophe et théologien soufi d’origine perse3. Personnage emblématique dans la culture musulmane, il représente la mystique dogmatique.
Al-Ghazâlî a une formation philosophique très poussée ; il écrit un essai tentant de résumer la pensée de philosophes musulmans déjà célèbres (Al-Kindi, Rhazès, Al-Fârâbî, Avicenne et d’autres). Déçu dans sa recherche d’une vérité philosophique finale, il s’oriente vers un mysticisme profond refusant toute vérité aux philosophes et les accusant d’infidélité. Dans son ouvrage Tahâfut al-Falâsifa (L’Incohérence des philosophes) (1095), il entend montrer par la méthode même des philosophes — qu’il maîtrise du fait de ses études — que les philosophes n’aboutissent qu’à des erreurs, condamnables selon lui puisque contredisant la Révélation. Sa critique vise particulièrement l’aristotélisme d’Avicenne. Il a influencé le Kuzari de Juda Halevi.
Ce découragement n’est pas dénué de similitude avec celui de son compatriote presque contemporain, le mathématicien et poète persan Omar Khayyam, qui cessa un jour toute activité scientifique, mais pour se consacrer, lui, à une vie simple,[réf. nécessaire] et dont des quatrains, les rubayat (singulier ruba’i) dénoncent le libre-penseur, le sceptique, l’incurable pessimiste4.
L’imâm Abû Hâmid est né dans la ville de Tûs dans le Khorâsân (en Iran) en 450 A.H. (après l’Hégire) (ou 1058). Après la mort de son père, le jeune imam, encore mineur, s’installe dans la ville de Jardjâne. Parti à la recherche des sciences et du savoir, il apprend « les sciences fondamentales en islam » (Usûl Ad-Dîn). Il retourne à Tûs, puis se rend à Naysabûr où il devient un disciple et un compagnon de l’imâm Al-Djûwaynî, jusqu’en 477 A.H,(ou 1085) date du décès de ce dernier. L’imam se rend alors en Iraq. L’influent Nizhâm Al-Mulk, grand vizir du roi seldjouk Malik Shah, ayant entendu parler de la valeur de ce jeune imam, l’accueille en Iraq et lui confie en 484 A.H. (ou 1092), l’enseignement dans Al-Madrasah An-Nidhâmiyyah de Bagdad, université très réputée à l’époque. Après quatre ans passés dans l’enseignement et l’écriture de précieux ouvrages, l’imam ressent le besoin de voyager, de se détourner des intérêts terrestres, dans une quête permanente des sciences religieuses. C’est le début d’une quête mystique. Il quitte l’Iraq et part pour Al-Hidjâz en Arabie. Il accomplit le pèlerinage et rencontre les savants de la Mecque et de Médine. Il s’installe ensuite en Palestine. Il passe deux ans à Jérusalem avant de visiter l’Égypte et de vivre pendant un certain temps à Alexandrie. De retour à sa ville natale Tûs, l’imam consacre sa vie à la prière et à l’adoration de Dieu, aux actions pieuses. Il est sollicité par le Roi Fakhr Al-Mulk, le fils de Nizhâm Al-Mulk, pour enseigner dans Madrasat Naysabûr. Il y meurt à l’âge de 53 ans.
Coran du XIIe siècle.
Algazel (Al-Ghazali) est né dans la ville de Tus (Khorassan) ou dans un des villages voisins, au sein d’une famille perse de condition modeste, dont certains membres sont connus pour leur savoir et leur penchant pour le mysticisme soufi.
Al-Ghazali est encore jeune lorsque son père meurt, après avoir chargé un de ses amis soufis de s’occuper de l’éducation de ses deux fils. L’ami en question s’acquitte de cette mission jusqu’à épuisement des fonds légués par le père et conseille aux deux frères de s’inscrire dans une madrasa où les élèves suivent des cours et sont pris en charge matériellement. Al-Ghazali aurait commencé vers l’âge de sept ans par étudier l’arabe, le persan, le Coran et les principes de l’islam. À la madrasa, il entre dans le cycle des études secondaires et supérieures comportant le fiqh (jurisprudence islamique) et l’exégèse (tafsir) du texte coranique et des hadith (propos du prophète Mahomet). De fait, l’enseignement des mathématiques et autres sciences dans les madrasas est quasi absent dans ces écoles coraniques, selon Guy Rachet.
Vers l’âge de 15 ans, Algazel s’installe à Jurjan, centre florissant du savoir situé à 160 km environ de Tus, pour étudier le fiqh auprès de l’imam Al-Ismâ’îlî (1084). Ce type de « voyage à la recherche du savoir », en vue de suivre l’enseignement des maîtres réputés du moment, est une des traditions éducatives de l’islam pour l’apprentissage du coran par cœur. Il revient l’année suivante à Tus, où il demeure trois années consacrées à mémoriser et mieux comprendre ce qu’il a transcrit de l’enseignement de ses maîtres. Il se rend ensuite à Naysabur (Nichapur), où il séjourne de 1081 à 1085. Il y étudie le fiqh, la théologie dogmatique (kalâm) et la logique, ainsi que, semble-t-il, des éléments de philosophie auprès de l’imam Abou al-Ma’âlî al-Djuwaynî, le jurisconsulte de rite chaféite le plus célèbre de l’époque. Al-Ghazali a alors 23 ans. Durant les cinq années qui suivent, il est l’élève et l’assistant de l’imam al-Djuwayni, et commence à publier quelques ouvrages et à étudier le soufisme auprès d’un autre cheikh, al-Farmadhi.
La mort d’al-Djuwaynî en 1085 voit s’achever la période d’apprentissage d’al-Ghazali – qui a alors 28 ans – et débuter celle de l’immersion dans la politique et de la fréquentation des allées du pouvoir. Il se rend au « camp » du ministre seldjoukide Nizam al-Mulk, où il mène pendant six années la vie des juristes de cour, faite de combats politiques, de joutes savantes et d’écritures, jusqu’à ce qu’il soit nommé enseignant à la madrasa Nizâmiyya de Bagdad, fondée pour l’enseignement du droit chafiite. Durant les quatre années où il occupe ce poste, il écrit un certain nombre d’ouvrages sur le fiqh — qu’il enseigne — la logique et le Kalâm, les plus importants étant le Mustazhiri et Al-Iqtisad fil-I’tiqad (Le juste milieu dans la croyance), deux ouvrages de jurisprudence à caractère politique.
Durant la période où il enseigne à la Nizamiyya de Bagdad, al-Ghazali étudie la philosophie (celle des Grecs, Aristote, Platon et Plotin par le biais de traductions en arabe, ainsi que les premiers écrits philosophiques islamiques, particulièrement Ibn Sina et al-Farabi), afin de mieux la réfuter. Le problème essentiel auquel il est confronté est celui de concilier la philosophie et la religion, et il le résout en ces termes : la philosophie est dans le vrai dans la mesure où elle est conforme aux principes de l’islam et dans l’erreur lorsqu’elle est en contradiction avec ces principes. En préparation à ses attaques contre la philosophie, al-Ghazali écrit un ouvrage, Maqâsid al-Falâsifa (Les intentions des philosophes) (1093), dans lequel il expose brièvement l’essentiel de la pensée philosophique connue à son époque, suivi de son ouvrage Tahafut al-Falasifa (L’incohérence des philosophes) (1095). Il résume son opposition à la philosophie en vingt questions touchant l’Homme, le monde et Dieu. Pour al-Ghazali, le monde est une création récente, les corps rejoignent les âmes dans l’au-delà et Dieu connaît les particuliers comme il connaît l’universel.
Le Tahâfut al-Falâsifa (L’incohérence des philosophes) a un retentissement considérable dans le monde arabo-islamique et est lu dans l’ Europe chrétienne ; cette œuvre et son auteur ont été un des facteurs du déclin inexorable de la pensée philosophique grecque dans le monde islamique, en dépit des défenses de la philosophie exprimées par Averroès (Ibn Rouchd) et d’autres5.
Avec l’intensification des affrontements militaire et intellectuel entre le sunnisme et le chiisme, entre le califat abbasside d’une part, et l’État fatimide et ses partisans et alliés dans le Machrek de l’autre, al-Ghazali se mobilise en publiant une série d’ouvrages de propagande à ce sujet, le plus important étant Les vices de l’ésotérisme et Les vertus de l’exotérisme.
L’ésotérisme des batinites repose sur deux principes fondamentaux : l’infaillibilité de l’imam, source obligatoire du savoir islamique car ayant appris le coran par cœur, et l’interprétation ésotérique de la chari’a (la loi divine qui serait révélée de l’islam) par l’imam et ses disciples. Al-Ghazali concentre ses attaques sur le premier principe, celui de l’infaillibilité de l’imam, son but étant de défendre le califat abbasside, de justifier son existence – fut-elle symbolique, le califat se trouvant alors en situation d’extrême faiblesse -, d’assouplir les conditions d’accession à l’imamat et de conférer une légitimité aux sultans seldjoukides, qui détiennent alors le véritable pouvoir militaire et politique – problème juridico-politique auquel ont aussi été confrontés d’autres fuqaha (jurisconsultes) musulmans, al-Mawardi en particulier. Mais la campagne d’al-Ghazali contre les batinites n’est pas couronnée du même succès que sa campagne contre les philosophes.
Il montre, dans la renaissance de la « science » religieuse (lhyâ ôloum ed-dîn), que le fiqh, tel que l’entendent les juristes littéralistes, n’est qu’une occupation temporelle sans lien avec la religion. Il dénonce les interventions intéressées des foqahâ dans la politique, leur sens de la réclame et leur folie de prétendre assurer, par une vaine gymnastique juridique, le salut de l’âme, alors que la religion est surtout affaire de cœur. On comprend que ses ouvrages ont choqué les malékites dans l’occident musulman, moins pour des motifs dogmatiques que pour la dureté des jugements contre les foqaha. Aussi ceux-ci obtiennent-ils que le prince almoravide Ali Ben Youssef, ennemi de la théologie, les fasse brûler et menace de confiscation de ses biens et de mort quiconque en posséderait des fragments. Ce péché contre l’esprit fut fatal aux Almoravides, comme le prouve le succès du mouvement almohade6.
Vers 1095, Algazel, alors âgé de trente-huit ans et doutant de ses dires précédents, traverse une crise spirituelle qui dure environ 11 ans et que l’on peut résumer en un affrontement violent entre la raison et l’âme, entre le monde d’ici-bas et celui de l’au-delà. Il commence par douter des doctrines et clans existants (c’est-à-dire de la connaissance), puis se met à douter des instruments de la connaissance religieuse. Cette crise l’affecte physiquement au point qu’il perd l’usage de la parole et devient donc incapable psychologiquement d’enseigner ; elle ne prend fin que lorsqu’il renonce à ses fonctions, à sa fortune et à sa célébrité.
Algazel résume à quatre les doctrines principales dominantes de son époque : la théologie dogmatique, fondée sur la logique et la raison ; l’ésotérisme, fondé sur l’initiation ; la philosophie, fondée sur la logique et la démonstration ; le soufisme, fondé sur le dévoilement et le témoignage. De même, les moyens de parvenir à la connaissance sont : les sens, la raison et l’inspiration. Il finit par choisir le soufisme et l’inspiration et, convaincu que l’unité du monde et de l’au-delà est difficile voire impossible, il prétexte un pèlerinage à la Mecque pour quitter Bagdad et se rendre à Damas7.
Les influences soufies sont nombreuses et fortes dans la vie d’al-Ghazali. Il vit à l’époque où le soufisme se propage : son père était proche du soufisme, son tuteur est soufi, son frère le devient à un âge précoce, ses maîtres penchent vers le soufisme, le ministre Nizam al-Mulk est proche des soufis et al-Ghazali lui-même a étudié le soufisme. Mais le soufisme n’est pas qu’un savoir théorique étudié dans les livres ou enseigné par des maîtres, c’est aussi une action, une pratique et un comportement, dont les principes de base sont notamment le renoncement aux attaches d’ici-bas, la réforme intérieure et la recherche de la proximité de Dieu. C’est ce que fait al-Ghazali qui, pendant onze ans, mène une vie solitaire consacrée à l’adoration de Dieu, entre Damas, Jérusalem et La Mecque, copiant ainsi les pratiques des moines chrétiens de l’époque. C’est à cette époque qu’il commence à écrire le plus important de ses livres, Ihya’ `Ulum al-Din (Revivification des sciences de la religion) – qu’il termine peut-être ultérieurement8.
Tombe Haruniyeh, nommée d’après Harun ar-Rachid. La structure actuelle a probablement été bâtie au xiiie siècle. Ghazali est enterré ici.
Al-Ghazali regagne Bagdad en 1097 et continue à vivre comme un soufi dans le ribat d’Abou Saïd de Naysabur, qui se trouve en face de la madrasa Nizamiyya. Il reprend pendant un certain temps l’enseignement, qu’il consacre essentiellement à la ‘Ihya’ `Ulum al-Din, puis se rend à Tus, sa ville natale, où, continuant à vivre en soufi et à écrire, il achève semble-t-il son œuvre majeure susmentionnée et produit d’autres ouvrages dont l’inspiration mystique est manifeste9.
En 1104, al-Ghazali reprend ses fonctions à la madrasa Nizamiyya de Naysabur, à la demande du ministre seldjoukide Fakhr al-Mulk, après quelque dix années d’absence. Il continue néanmoins à vivre la vie des soufis et à écrire. Il quitte Naysabur10 et regagne à nouveau Tus, sa ville natale, où il poursuit la vie de renoncement des soufis et l’enseignement.
Près de sa maison, il fait construire un khangah (sorte d’ermitage soufi) où il écrit à cette époque Minhaj Al-‘Abidin (La voie de la dévotion)11, qui semble être une description de sa vie et de celle de ses élèves : renoncement au monde d’ici-bas, solitude et éducation de l’âme. C’est ainsi qu’il coule le reste de ses jours, jusqu’à sa mort en 1111.
La pensée d’al-Ghazali, tourne essentiellement autour du concept de Dieu et de ses rapports avec ses créations (le monde et l’homme). Certes, al-Ghazali commence par suivre le courant du fiqh et, plus précisément, celui de la théologie dogmatique ash’arite, dans sa description de l’identité et des attributs de Dieu, et le courant soufi dans la définition de la relation entre Dieu et l’être humain, mais il va plus loin en proposant une idée neuve de l’identité de Dieu, de ses attributs et de son action12.
Al-Ghazali est en accord avec les jurisconsultes et les théologiens quant à une prétendue unicité et l’éternité de Dieu, un dieu sans substance ni forme, qui ne ressemble à aucune chose et auquel aucune chose ne ressemble, un dieu omniprésent, omniscient et omnipotent, un dieu doué de vie, de volonté, d’ouïe, de vue et de parole. Mais le dieu d’al-Ghazali est différent en ce que l’univers et ses composantes, et les actes des hommes, sont soumis à sa forte emprise et à son intervention directe et constante, et que les concepts propres à la justice des hommes ne sauraient lui être appliqués. Il diffère aussi par la prise en considération du bien des créatures.
À l’instar de nombreux jurisconsultes et philosophes, al-Ghazali distingue deux mondes, celui-ci, qui est éphémère, et l’autre qui est éternel. Le premier, celui de l’existence matérielle, est une existence provisoire, soumise à la volonté de Dieu ; il n’est pas régi par un ensemble de lois scientifiques, qui sont selon lui une partie de ce monde, mais dominé, régi et dirigé par l’intervention directe et constante de Dieu (refus de la causalité). Il pense que Dieu n’est pas seulement le créateur de l’univers, de ses caractéristiques et de ses lois (ou cause de l’existence), il est aussi la cause de tout événement qui y survient, insignifiant ou important, passé, présent ou à venir13.
C’est dans cet univers que vit l’être humain, créature faite d’une âme immortelle et d’un corps éphémère. L’être humain n’est ni bon ni mauvais par nature, encore que sa disposition naturelle soit plus proche du bien que du mal. Il se meut, en outre, dans un espace restreint, où les contraintes l’emportent sur les possibilités de choix. Il est moins fait pour le monde d’ici bas, où il souffre, que pour l’autre, auquel il doit aspirer et vers lequel il doit faire tendre ses efforts14.
La société, formée d’êtres humains, n’est pas et ne saurait être vertueuse pour al-Ghazali. C’est une société où le mal l’emporte sur le bien, au point que l’être humain a plus intérêt à l’éviter plutôt qu’à y vivre. La société ne peut aller qu’en empirant. L’individu y a ses droits et ses devoirs, mais son existence est insignifiante à côté de l’existence et de la puissance du groupe. C’est aussi une société stratifiée, composée d’une élite pensante et dirigeante et d’une masse, qui a entièrement abandonné son sort aux mains de cette élite. Les questions de la religion et de la doctrine sont du ressort des savants et les affaires de ce monde et de l’État sont aux mains des dirigeants. Le peuple, lui, n’a qu’à obéir. Enfin, la société est entièrement soumise à l’autorité de Dieu et à ses injonctions, son seul but étant la religion et de donner aux êtres humains la possibilité de vénérer Dieu15.
Conscience et savoir sont les traits distinctifs majeurs de l’être humain, lequel puise sa connaissance à deux sources, l’une humaine, qui lui permet de découvrir le monde matériel où il vit, au moyen de ces outils limités que sont la perception et la raison, et l’autre divine, qui lui permet de connaître le monde de l’au-delà, par la révélation et l’inspiration. Ces deux types de connaissance ne sauraient être mis sur un pied d’égalité, du point de vue de leur source comme de leur méthode ou de leur degré de vérité. Le vrai savoir ne peut venir que du dévoilement, une fois l’âme réformée et purifiée par l’éducation de l’esprit et du corps, et en conséquence prête à enregistrer ce qui est gravé dans la mémoire. Il s’agit d’un savoir dont le vecteur n’est ni la parole ni l’écrit, un savoir qui investit l’âme dans la mesure où celle-ci est pure et prête à le recevoir. Et plus l’âme acquiert ce savoir, plus elle connaît Dieu et s’en rapproche, et plus le bonheur de l’être humain est grand16.
Selon Al-Ghazali, l’individu vertueux est celui qui renonce à ce monde pour tendre vers l’au-delà, qui préfère la solitude à la fréquentation de ses semblables, le dénuement à la richesse et la faim à la satiété. C’est l’abandon à Dieu et non le goût du combat qui dicte son comportement et il est plus enclin à faire preuve de patience que d’agressivité17. Curieusement, au moment même où l’image de l’homme vertueux commence à évoluer en Europe, le « moine chevalier » supplantant le moine errant, le vêtement de l’homme vertueux change aussi dans l’Orient arabe, avec la différence que l’armure du cavalier combattant laisse la place aux haillons du soufi. Et alors que Pierre l’Ermite informe les masses européennes des situations subies par les Chrétiens d’Orient du fait de l’occupation arabo-musulmane et les mobilise pour une croisade de défense, al-Ghazali exhorte les Arabes à se soumettre aux souverains musulmans et à se détourner de la société profane.
Al-Ghazali est mort à l’âge de cinquante-trois ans. Il a été un des plus grands penseurs musulmans, recevant ainsi le surnom de « rénovateur du ve siècle de l’Hégire ». La grande influence qu’a eue al-Ghazali peut être attribuée à plusieurs éléments, à savoir:
L’influence d’al-Ghazali sur la pensée islamique peut être ramenée aux éléments ci-après :
L’influence d’al-Ghazali s’est étendue au-delà du monde islamique pour s’exercer jusque sur les pensées européennes juive et chrétienne. À la fin du xie siècle et surtout au xiie siècle de l’ère chrétienne, de nombreuses œuvres de mathématiques, d’astronomie, de sciences naturelles, de chimie, de médecine, de philosophie et de théologie en grande partie traduites de livres grecs ont été traduites en latin, notamment par des Chrétiens d’Orient, dont certaines œuvres d’al-Ghazali, notamment, Ihya’ `Ulum al-Din (Revivification des sciences de la foi), Maqâsid al-Falâsifa (Les intentions des philosophes) que d’aucuns ont prise par erreur pour un exposé de la pensée d’al-Ghazali alors qu’il s’agissait d’une récapitulation des principes philosophiques en cours à l’époque, Tahafut al-Falasifa (L’Incohérence des philosophes) et Mizan al-‘Amal (Critère de l’action).
Un certain nombre de penseurs européens travaillaient sur des textes arabes et ont pu prendre connaissance des vues d’al-Ghazali, son influence est peut-être perceptible chez des philosophes et savants du Moyen Âge et du début de l’ère moderne, particulièrement chez Thomas d’Aquin[réf. nécessaire], Dante et David Hume. Thomas d’Aquin (1225–1274), dans sa Summa Theologiae (Somme théologique) développe certaines idées de al-Ghazali (notamment – à la Ihya’ `Ulum al-Din (Revivification des sciences de la foi), à Kimiya-yi Sa’adat (L’alchimie du bonheur), à Ar-Risala al-Laduniyya (La sagesse chez les créatures de Dieu) et au Message divin)[réf. nécessaire].
Les écrits de Dante (1265–1321) révèlent clairement le pouvoir islamique d’al-Ghazali et de Risalat al-Ghufran (Épître du pardon) d’al-Maari tout en mettant Mahomet et Ali en enfer (chant XXVIII) dans la Divine Comédie. Blaise Pascal (1623–1662), développe des idées similaires en donnant la primauté à l’intuition sur la raison et les sens, tout comme chez David Hume (1711–1772), dans sa réfutation de la causalité. (Source ??) Le Discours de la méthode de Descartes pourrait se rapprocher d’Erreur et délivrance.[réf. souhaitée]
Il semble qu’al-Ghazali ait exercé une influence plus profonde sur la pensée juive que sur la théologie et la pensée chrétiennes. Juda Halevi s’en inspire pour composer son Kuzari. Isaac Albalag, continuateur juif d’Ibn Rouchd (Averroès), écrit un commentaire sur le Tahafut qui ressemble fort au Tahafut al-Tahafut de son maître. Nombreux en effet étaient les savants juifs du Moyen Âge qui connaissaient parfaitement la langue arabe, et certaines œuvres d’al-Ghazali ont été traduites en hébreu. Son livre Mizan al-‘Amal [Critère de l’action], en particulier, a trouvé un public chez les Juifs du Moyen Âge: il a été plusieurs fois traduit en hébreu, et même adapté, les versets du Coran étant remplacés par les mots de la Torah. Un des grands penseurs juifs à avoir subi l’influence d’al-Ghazali a été Maïmonide (en arabe : Musa Ibn Maimun ; en hébreu : Moshe ben Maimon18). Cette influence est manifeste dans son Dalalat al Ha’irin (Guide des égarés), rédigé en arabe que certains[Qui ?] considèrent comme un ouvrage de théologie juive médiévale19.
Les écrits d’al-Ghazali sur l’éducation d’enseignement religieux se veulent l’apogée de la pensée dans la civilisation islamique. La conception de l’éducation qu’il a élaborée peut être considérée comme la construction la plus achevée dans ce domaine[interprétation personnelle], définissant clairement les buts de l’éducation islamique, traçant la route à suivre et exposant les moyens de parvenir au but recherché par l’Islam. Al-Ghazali a exercé une influence évidente sur la pensée éducative islamique du vie au xiiie siècle de l’Hégire (du xiie au xixe siècle de l’ère chrétienne). On peut presque dire[interprétation personnelle] qu’à de rares exceptions près, les praticiens et les théoriciens de l’éducation musulmane n’ont rien fait d’autre que copier al-Ghazali et résumer ses vues et ses écrits.
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