Car l'un ne va pas sans l'autre !
Toutes les autres vidéos sont tout en Bas !!!
Giulio Cesare Andrea Evola, plus connu sous le nom de Julius Evola, né à Rome le 19 mai 1898 et mort dans la même ville le 11 juin 1974, est un philosophe, « métaphysicien »1, poète et peintre italien.
Baron Julius Evola
Aristocrate individualiste, marqué par l’ésotérisme, il a cherché à concilier l’action politique contre-révolutionnaireavec les doctrines traditionnelles, affirmant la nécessité d’une « restauration héroïque » de la civilisation traditionnelle, dans des ouvrages comme Révolte contre le monde moderne (1934) et Chevaucher le tigre(1961).
« Érudit de génie » (pour Marguerite Yourcenar) ou « triste et insensé personnage » (pour Umberto Eco)2, Evola est le théoricien d’un élitisme antimoderne fondé sur la référence à une tradition « aryo-nordique »3 définie par la « mythologie solaire » et le « principe aristocratique mâle », opposé au « principe féminin » de la démocratie4. Après-guerre, son œuvre devient une référence de la Nouvelle Droite italienne, française5,6 et américaine7 ainsi que des milieux néofascistes, tant européens qu’américains.
Giulio Cesare Andrea Evola, naît à Rome d’une famille de la petite noblesse sicilienne8. Il adoptera plus tard le prénom de Julius par admiration pour la Rome antique9. Comme il le relate dans Le Chemin du cinabre, son enfance et son adolescence sont remplies par la lecture. Il est particulièrement marqué par les œuvres d’Oscar Wilde, de Gabriele D’Annunzio et de Dimitri Merejkovski. Il s’intéresse aussi très tôt à la philosophie et tout particulièrement à Carlo Michelstädter, Otto Weininger, et surtout à Friedrich Nietzsche. Il reçoit également l’influence de Giovanni Papini, « champion de la primauté des forces spirituelles et de la mission civilisatrice de l’Italie10 ». Il fait des études techniques et mathématiques11 puis entame des études d’ingénieur, auxquelles il met fin pour s’intéresser à l’art et à la philosophie12.
Influencé par l’avant-garde italienne, se posant en aristocrate dandy13, le jeune baron Evola14 peint, écrit, se lie au futurisme et devient l’ami de Giacomo Balla. En 1915, il engage une polémique avec Filippo Tommaso Marinetti, à qui il s’oppose sur l’entrée en guerre de l’Italie, mais reste au nombre des futuristes12.
En 1917, alors âgé de 19 ans, il participe comme sous-lieutenant d’artillerie à la Première Guerre mondiale, mais ne prend part à aucune action d’envergure. S’il n’est pas alors nationaliste, il connaît une fascination pour les grands empires, y compris ceux qu’il doit combattre.
En 1919, il adhère au dadaïsme et se lie au groupe de Zürich et à Tristan Tzara, avec qui il entretient une correspondance soutenue15. Entre 1920 et 1922, il expose ou participe à des événements Dada à diverses reprises, à Rome, Berlin ou Paris, signe le tract Dada anti-futuriste Dada soulève tout et publie différents ouvrages sur l’art ainsi qu’un manifeste, L’art comme liberté et égoïsme15.
À cette époque de « dérèglement de tous les sens »16, il fait l’expérience de drogues hallucinogènes pour éprouver des états de conscience altérés, mais il critiquera par la suite l’usage de ces substances comme moyens de transcendance. Cette époque marque le début pour lui d’une crise existentielle, qui va bouleverser ses habitudes intellectuelles. Il ne supporte plus la « vie ordinaire » qu’il mène alors à Rome. À vingt-trois ans, il tente de mettre fin à ses jours17.
Avant d’exécuter la sentence qu’il s’était lui-même rendue, il lit un texte bouddhiste. Il assimile ce qu’il ressent alors à une illumination. « Qui prend l’extinction comme extinction, et une fois ceci fait pense à l’extinction, réfléchit sur l’extinction, et se dit : “mienne est l’extinction” et se réjouit de l’extinction, celui-là ne connaît pas l’extinction », disait le texte17. Ce suicide avorté sera une vraie mort pour Evola, mort à la peinture et à la poésie qu’il cesse de pratiquer à partir de 192215, et une naissance à la philosophie à laquelle il va désormais se consacrer. L’intérêt de l’auteur italien pour les traditions orientales se révèle alors pleinement.
À ses débuts, Evola est marqué par les idéalistes allemands, particulièrement Fichte, Schelling et Novalis qui le conduisent à construire une théorie et une phénoménologie de l’« Individu absolu » puis sur la voie d’un « Idéalisme magique », repoussant la conception classique d’un ordre objectif ou noétique de vérité18. Il croise ensuite l’influence « foudroyante »19 des écrits du philologue et anthropologue romantique suisse Johann Jakob Bachofen20, duquel il reprend l’idée d’opposition entre deux civilisations – ourano-virile contre tellurico-lunaire-féminine, base d’une bipolarité masculin-féminin -, sur base d’interprétations mythologiques teintées de « subjectivisme mystique et de fantaisie imaginative » qui « se substitue à la critique et défie toute chronologie »21.
Heidnischer Imperialismus (1933), édition allemande de l’Impérialisme païen.
En 1925, Evola publie son premier essai, Essai sur l’idéalisme magique, qui est suivi en 1926 de l’Homme comme puissance – réintitulé en 1949 Le Yoga tantrique – dans lequel il expose le cœur de la métaphysique indienne12. En 1926, il se lie à un groupe d’ésotéristes romains, le « groupe d’Ur », groupe de recherche dont l’objectif est d’étudier « les doctrines ésotériques et initiatiques avec sérieux et rigueur »22 et dont il dirige la revue de 1927 à 193016.
En 1928, il publie un ouvrage qui le rend célèbre en Italie : Impérialisme païen. Il y attaque, d’un point de vue nietzschéen, le christianisme et défend l’idée d’une incompatibilité fondamentale d’un fascisme authentiquement radical avec la moral chrétienne. Par cet ouvrage, publié à la veille des accords de Latran, il se met à dos les dirigeants fascistes favorables au concordat avec l’Église, et notamment Giovanni Gentile10. Il regrettera cependant le caractère violemment polémique du livre, et souhaitera qu’il ne soit plus réédité de son vivant12. Il reviendra également quelques années plus tard sur ce qu’il appellera le « malentendu du nouveau paganisme23 ».
Cette époque est marquée pour lui par la lecture intensive de la Bhagavad-Gītā, « le livre de la sagesse guerrière aryenne24 », qu’il emmène avec lui lors de ses ascensions en montagne25, ainsi que de l’œuvre de René Guénon. C’est sous l’influence de ce dernier qu’il quitte les thèses extrémistes d’Impérialisme païen pour revenir à la considération de la Tradition, et fonde la revue La Torre. On peut lire dans un éditorial de cette revue qu’elle est destinée à « défendre les principes qui pour nous seraient absolument les mêmes, que l’on se trouve dans un régime fasciste, communiste, anarchique ou démocratique. En eux-mêmes, ces principes sont supérieurs au plan politique ». La revue n’est guère appréciée par le régime fasciste qui l’interdit le 15 juin 1930 après à peine dix numéros12.
Evola publie plusieurs essais, traduisant son intérêt pour la philosophie (Théorie de l’individu absolu, 1927 ; Phénoménologie de l’individu absolu, 1930), l’ésotérisme (La Tradition hermétique, 1931), le mouvement des idées (Masque et visage du spiritualisme contemporain, 1932). À la même période, il effectue de dangereuses courses en montagne, et devient rapidement un alpiniste de haut niveau12.
Depuis qu’il est acquis à la pensée traditionnelle, Evola entend guider le fascisme à travers le prisme de la Tradition, une tentative qu’il estime dans sa vieillesse manquer de sens tactique sinon de sens commun : il n’aura en effet trouvé que peu d’écoute dans les sphères mussoliniennes quand, à la fin des années 1920, il décrit ses positions anti-cléricales – voire anti-chrétiennes -, considérant que le paganisme romain offrait une base solide pour le fascisme26, et encore moins lorsqu’il développe ses propositions traditionnelles27.
Il poursuit néanmoins – sans grand succès – ses tentatives pour influer sur la pensée fasciste et publie à partir de 1934 dans l’influent quotidien de Roberto Farinacci10, Il Regime fascista, une page sur les « problèmes spirituels dans l’éthique fasciste »28 – « Diorama filosofico » – dans laquelle il accueille régulièrement, jusqu’en 1943, les contributions de penseurs traditionnels29 au nombre desquels René Guénon, de différents auteurs européens dont Paul Valéry30 et même de Himmler31. Evola collabore également à la revue La Vita italiana de l’idéologue fasciste Giovanni Preziosi.
En 1934, Evola publie son œuvre la plus célèbre, Révolte contre le monde moderne, où il décrit la déchéance du monde moderne, annoncée par les traditions antiques. Sa parution lui vaut des réactions contrastées de la part du monde intellectuel, notamment de Giovanni Gentile, philosophe fasciste hegelien qui émet un avis hostile, ou encore Gottfried Benn et Mircea Eliade qui sont, eux, laudatifs21.
À l’aube de la guerre italo-éthiopienne, Evola invite Mussolini à faire de l’Italie une « nation de guerriers » capable d’apprécier et d’admirer la « valeur sacrée du combat »22. Ayant renoncé à la « traditionnalisation » du régime fasciste, Evola nourrit alors quelques espoirs d’obtenir de meilleurs résultats avec le régime nazi qui accède au pouvoir en 1933 : en Allemagne, son œuvre est appréciée parmi les cercles d’intellectuels antiparlementaires de droite autoritariste, comme le Herrenklub32de Berlin22 et une traduction augmentée et « traditionnalisée » de son Imperialismo pagano parue en allemand en 1933 puis celle de la Révolte contre le monde moderne en 1935 reçoivent bonne presse.
Dans l’espoir de faire école au sein du troisième Reich3, il prononce ainsi plusieurs conférences dans l’Allemagne nazie33. Il développe notamment l’idée d’une alliance italo-allemande qu’auraient préfigurée les gibelins, en vue de l’établissement d’un Empire « romain germanique »34. Il publie Le Mystère du Graal en 1937, dans lequel il étudie les fondements de la « tradition gibeline de l’Empire ». La même année, il rencontre et se lie d’amitié avec l’historien des religions Mircea Eliade35. En 1938, il visite la Roumanie, où il fait connaissance avec Corneliu Zelea Codreanu, qu’il décrit comme « une des figures les plus dignes et les mieux orientées spirituellement » qu’il lui ait été donné de rencontrer36.
Mais les amis traditionalistes et conservateurs d’Evola à l’Herrenklub perdent bientôt leur influence auprès des nazis – plusieurs d’entre eux seront exécutés – et, notamment influencé par l’ouvrage du théoricien nazi Alfred Rosenberg Le Mythe du vingtième siècle37, il cherche alors à s’approcher de la SS pour défendre son idée d’Empire, entreprenant une tournée des « Châteaux de l’Ordre »38 nazis et donnant une conférence au sein même du château de Wewelsburg34. Heinrich Himmler – qui nourrit une rivalité avec Rosenberg – demande une enquête sur les travaux d’Evola à l’intellectuel ésotériste nazi Karl Maria Wiligut qui rend un rapport défavorable, estimant que l’Italien méconnaît les institutions germaniques pré-historiques et leurs significations et conclut qu’il faut rejeter ses propositions « utopiques »39 : Himmler décide d’empêcher à Evola l’accès aux cadres et dirigeants nazis39.
Considéré comme antisémite40, bien qu’il affiche une distance par rapport à l’« antisémitisme vulgaire », il approuve la législation adoptée par le fascisme à l’encontre des juifs, vue comme une « contre–mesure naturelle »29, et publie en 1937 avec l’idéologue fasciste Giovanni Preziosi une édition italienne des Protocoles des Sages de Sion41. La même année, il publie Le Mythe du Sang en 1937, puis en 1941, Synthèse de doctrine de la race, où il expose la conception « traditionnelle » de la race42, défendant une approche « spirituelle » de celle-ci39 et créant le concept de « race de l’esprit » qui innove par rapport aux théories biologistes raciologiques issues du XIXe siècle en proposant une doctrine raciste psychologisante40. Cet ouvrage, qui tend à aligner les racialismes italien et germanique tout en soulignant leurs spécificités respectives, plaît à Mussolini – sensible à l’idée qui y est développée d’une race « aryo-romaine » de descendance nordique39 – qui le fait traduire en allemand en tant que document officiel du racisme fasciste43. Evola ambitionne de lancer une revue italo-germanique bilingue Sang et Esprit et peut, avec une forme de mandat officiel des autorités fascistes, retourner à Berlin pour y présenter ses théories44.
Cependant, le déplacement est un nouvel échec car, en défendant dans ses conférences allemandes l’idée que les Italiens seraient racialement à la fois nordiques et méditerranéens, il froisse les autorités consulaires fascistes qui le renvoient à Rome en septembre 1943, privé de passeport44. Il s’attache alors à d’autres études et publie La Doctrine de l’Éveil, une étude sur l’ascèse bouddhique, à laquelle il continue à s’intéresser en parallèle à ses préoccupations politiques. En quelque sorte, l’éveil bouddhique et le réveil de la civilisation déclinante par la faute de la modernité, sont associés dans son esprit. La même année, il commence à organiser à Rome un groupe nommé Movimento per la Rinascita dell’Italia, un précurseur des groupes d’extrême droite qui vont proliférer en Italie après la Seconde Guerre Mondiale22.
Lors de la destitution de Mussolini en 1943, Evola s’enfuit en Allemagne avec les dignitaires fascistes44. Il retourne brièvement à Rome lors de l’invasion allemande de la ville mais doit fuir à nouveau devant l’avancée des troupes alliées, pour se réfugier à Vienne. Pendant les bombardements, il a l’habitude de ne pas se réfugier dans les abris, mais plutôt de travailler dans son bureau ou de marcher dans les rues pour, disait-il, « questionner calmement son destin45». En 1945, il y est touché par un bombardement qui le laissera paralysé des membres inférieurs12.
En dépit de ses efforts répétés pendant près de dix ans39, le traditionalisme n’aura eu que peu d’influence, aussi bien sur le fascisme italien que sur le national-socialisme allemand, notamment parce que son élitisme s’accommodait mal avec la dimension populaire de masse des deux régimes44. Déconsidéré tant par la majorité des fascistes que par une bonne partie des nationaux-socialistes – oscillant entre l’incompréhension et l’hostilité à son égard38 -, il n’aura somme toute trouvé durant cette période une audience que parmi les courants ultra-conservateurs allemands qui finissent décimés par les nazis arrivés au pouvoir39.
Après plusieurs années passées à l’hôpital en Autriche, puis en Italie, il retourne à Rome dans sa ville natale. Il a la surprise de rencontrer des groupes de jeunes de droite parmi lesquels son nom et ses livres sont bien connus46. C’est à eux que s’adressent Orientations (1950) et Les Hommes au milieu des ruines (1953).
Il est arrêté par la police italienne en 1951 pour « glorification du fascisme » et « incitation intellectuelle à l’insurrection ». Il est acquitté après plusieurs mois de jugement. Lors de sa défense, il affirme que les « idées propres au fascisme » dont on l’accuse impliquent de faire asseoir également au banc des accusés « le Platon de la République, un Metternich, un Bismarck, le Dante du De Monarchia et ainsi de suite »47. Il publie successivement Métaphysique du sexe (1958), une étude sur les aspects métaphysiques de la sexualité, et Chevaucher le tigre (1961), où il indique la voie d’un « anarchisme de droite. » Dans Le Chemin du cinabre (1963), une autobiographie, Evola consacre un chapitre à l’œuvre d’Ernst Jünger, qu’il aurait souhaité traduire en italien48. Il publie ensuite Le Fascisme vu de droite (1964), L’Arc et la massue (1968), et Méditations du haut des cimes (1974), une collection d’essais rassemblés par Renato Del Ponte. Dans ce livre, Evola montre le moyen d’une réalisation intérieure grâce à l’alpinisme. Un appendice est consacré à l’œuvre du peintre Nicolas Roerich, à laquelle Evola accorde une signification spirituelle.
Il meurt à Rome49 le 11 juin 1974 et ses cendres sont dispersées dans une crevasse du Mont Rose50 par Renato Del Ponte.
Julius Evola s’oppose radicalement à l’évolutionnisme. Pour lui, l’homme ne s’élève pas de l’animal au surhomme, mais au contraire descend du divin et chute dans le règne du matériel. En cela, il est un « penseur de la décadence » et se réfère à la doctrine des quatre âges, issue d’une tradition à la fois occidentale et orientale, qui à la suite d’une dernière phase, admet le retour d’un âge d’or avec lequel débute un nouveau cycle. D’autre part, Evola s’appuie sur un arrière-plan métaphysique qui se traduit par la lutte incessante entre « les forces du cosmos » et « les forces du chaos. » La cause de la subversion et de la régression des castes est attribuée à une « main occulte51. » Dans Le Mystère du Graal (1937), il partage la thèse faisant de la franc-maçonnerie une force subversive s’opposant au traditionalisme et qui serait le moteur des principaux bouleversements politiques depuis la Révolution française52.
Evola voit dans l’histoire une vaste décadence continue, la perte de traditions53, l’effondrement des valeurs viriles et le triomphe de la féminité54. L’individualisme moderne coupe l’individu des cercles protecteurs de la famille, des ordres, des castes ou corporations. La conséquence politique est le rejet de toute hiérarchie, et la régression des castes. Celle-ci disparaît alors au profit d’une démocratie égalitariste, antithèse de l’organicisme traditionnel51 : « l’homme régresse du plan personnel dans l’anonymat, le troupeau, la quantité pure, chaotique, inorganique24. » Se voulant un gibelin contre les guelfes, Evola reproche au christianisme d’avoir apporté les germes de cet égalitarisme51.
« Le principe selon lequel les hommes sont tous libres par nature et possèdent tous des droits égaux est une véritable absurdité puisque par nature les hommes ne sont pas égaux. Quand on a dépassé le stade simplement naturaliste, être une personne n’est pas une qualité uniformément distribuée, elle ne peut constituer une dignité égale pour tous et dérivant de la simple appartenance d’un individu à l’espèce biologique “homme”. »
— Julius Evola, Les Hommes au milieu des ruines, 1953.
Pour l’auteur italien, l’importance croissante de l’économie dans le monde moderne apparaît comme une « démonie de l’économie », une sorte d’hallucination exerçant une emprise hypnotique. « Véritable pathologie de la civilisation », elle se présente comme le passage d’un organisme du type humain au type infra-humain. Elle établit une hiérarchie illusoire, fondée sur les différences de revenus, de rang politique ou professionnel55. Tandis que le monde antique dédaignait le travail, parce qu’il connaissait l’action, l’avènement du monde moderne élève le travail au rang de religion. Cette sublimation du travail annonce la mort de l’action au sens traditionnel. De même, le sport comme travail est une contrefaçon de l’action au sens noble. Il est une forme dégradée de l’ascèse, sans aucune référence supérieure24.
Evola condamne également l’intellectualisme, auquel il oppose la notion allemande de Weltanschauung, de « vision du monde », qui « ne se fonde pas sur une connaissance livresque mais sur une configuration intérieure et une sensibilité ayant non pas un caractère acquis mais inné ». « La vision du monde n’est pas quelque chose d’individuel mais procède d’une tradition ». Evola reproche à la culture libérale moderne de mettre à la disposition du plus grand nombre une multitude de messages que la plupart des individus, privés de tout point de référence traditionnel, sont incapables de trier, d’analyser et de critiquer. Il reproche enfin au monde moderne son culte de l’« intellectuel » qui ne correspond nullement à l’ordre hiérarchique normal. « Nous redisons que le “génie” et l’“intelligence” sont eux-mêmes des idoles et des superstitions de l’époque bourgeoise, les mots d’ordre d’une civilisation de parvenus. On ne peut dépasser la bourgeoisie qu’en remontant jusqu’au monde qui, dans l’ordre hiérarchique traditionnel, se tient au-dessus des bourgeois : et ce monde supérieur est formé de guerriers et d’ascètes, non de personnes de “génie” et d’intellectuels, les uns et les autres n’étant que des appendices “humanistes” d’une civilisation de type bourgeois »56.
Evola rejette le christianisme, et dans une large mesure, le catholicisme, comme « la racine du mal qui a corrompu l’Occident »57. Il considère le christianisme comme une « forme désespérée du dionysisme », agissant sur un plan affectif et non plus initiatique. Il lui reproche son caractère féminin, dévirilisé, et sa prédominance du pathos sur l’ethos. Son idéal de la collectivité est l’antithèse de l’idéal héroïque de la personnalité, et sa vision de la nature annonce la fin des sciences sacerdotales24. D’autre part, Evola s’oppose à toute attitude mystique, qu’il place sous le signe du pôle féminin de l’âme, et trace une frontière entre mystique et initiation55. Violemment anti-catholique à ses débuts, notamment dans Impérialisme païen, Evola nuancera son jugement par la suite. Il reconnaîtra notamment au christianisme des origines « la valeur d’une voie possible, désespérée et tragique, de salut ». Néanmoins, il admettra que cette évolution de sa pensée est seulement « un fait intellectuel, un devoir d’objectivité, le quid specificum du christianisme continuant cependant à ne trouver aucune résonance dans [sa] nature »58.
« La légitimation la plus haute et la plus réelle d’un véritable ordre politique, donc de l’État, réside […] dans le fait qu’il suscite et entretient la disposition de l’individu à agir et penser, à vivre, lutter et éventuellement, mourir, en fonction d’un but qui dépasse sa simple individualité. »
— Julius Evola, Les hommes au milieu des ruines, Guy-Trédaniel-Pardès, 1984, p. 58.
Dans Révolte contre le monde moderne (1934), l’auteur italien oppose au monde moderne le monde traditionnel. Tandis que le premier est par nature temporel et historique, le second est au-delà du temps. Ainsi, il accorde plus d’importance au contenu mythique de l’histoire qu’à son contenu temporel. Il oppose d’abord le caractère métaphysique de l’autorité traditionnelle, à la conception moderne fondée sur l’intelligence et la force. Dans les temps anciens, l’autorité est apportée par en haut, par la divinité, et non par la communauté des gens qu’elle gouverne. Le souverain s’impose par sa nature supérieure, comme un dieu parmi les hommes, puis à titre accessoire par sa force matérielle. D’après la tradition, la loi et l’État ont un caractère sacré. Contrairement à la conception moderne, l’État ne trouve pas sa légitimité auprès du peuple, mais est à son égard un principe masculin, lumineux, vis-à-vis d’une substance féminine, nocturne. Ils interagissent selon le principe de polarité et non celui d’un quelconque droit naturel. Ainsi le fondement de la hiérarchie des castes n’est pas politique ou économique, mais avant tout spirituel24.
Evola se réclame d’une Tradition primordiale et universelle, d’origine hyperboréenne, et s’inspire pour cela des travaux de René Guénon, Hermann Wirth et Johann Jakob Bachofen. D’après cette Tradition, les fonctions sont réparties par un système hiérarchisé de castes, en quatre parties, selon la terminologie hindoue : chefs religieux (« brahmanes »), noblesse guerrière (« kshatriya »), bourgeoisie marchande (« vaishya ») et serfs (« shudra »). Pour l’auteur italien, l’appartenance à une caste prime sur celle à une nation, c’est pourquoi il est favorable à un pouvoir impérial et fédératif, plutôt qu’à un nationalisme intégral de type maurrassien. L’État est bâti autour d’un centre, incarné dans la personne d’un chef spirituel et temporel, le monarque sacré. Contrairement à René Guénon, pour qui l’autorité spirituelle a le pas sur le pouvoir temporel, Evola estime que la figure du monarque dépasse les deux fonctions51. Il se positionne contre la démocratie et surtout le communisme qu’il considère aussi comme l’échelon le plus bas à atteindre sur l’échelle du politique59.
Evola apprécie dans le fascisme italien son caractère « réactionnaire, » c’est-à-dire proche de la pensée politique traditionnelle. Il estime que le choix du modèle romain antique par le régime fasciste est un choix plein d’audace, et l’occasion de « faire agir un héritage oublié : sur le plan du caractère, de la formation intérieure et extérieure, du style, et de l’éthique. » Il loue le régime mussolinien d’avoir relevé l’idée d’État en tant que pur principe d’autorité, conformément à la tradition européenne, et repousse une conception fausse de l’État consistant à suivre passivement les forces de la réalité économique et sociale. Il reproche cependant au fascisme italien son totalitarisme, qu’il considère comme une déviation60. Evola estime que le fascisme est encore loin d’incarner un régime traditionnel légitime, ce qui lui vaut de l’inimitié à l’intérieur du régime61. D’ailleurs, Evola refusera toujours de voter et n’adhérera jamais au parti fasciste italien55.
Evola prône un retour à une spiritualité « active », « guerrière », qu’il estime plus fidèle à la tradition occidentale. C’est pourquoi il cherche à établir un lien direct entre la Tradition et la politique de son temps. Mais la chute dans le règne des masses impose de passer par des voies indignes de l’aristocratie traditionnelle, comme le recours au vote des masses, ou l’exécution d’un coup d’État, comme n’importe quel usurpateur. Pour assurer la restauration de l’État traditionnel, Evola propose une action tout d’abord occulte, puis la création d’une force militaire capable d’effectuer un coup de force. C’est dans ce sens que l’auteur est favorable au fascisme italienet au national-socialisme51. Il accorde une grande importance à la notion d’Ordre, s’opposant à la notion naturaliste de Patrie. Dans Le Fascisme vu de droite (1964), Evola montre son admiration pour les récentes incarnations de ces Ordres dans des formations comme la Garde de fer roumaine, la Phalange espagnole, ou les SS. Il voit en ces derniers les bases d’une nouvelle élite spirituelle européenne, dont il estime à la fois l’esprit spartiate, la discipline rigoureuse, le sens de la fidélité et de l’honneur, l’intrépidité physique, et l’éthique de l’action dépersonnalisée62.
Dans Chevaucher le tigre (1961), Evola prône un détachement de l’action extérieure, ou « apoliteia. » En opposition avec la thèse contenue dans Les Hommes au milieu des ruines qui prêchait un « réalisme de l’idée », l’auteur préconise un détachement à l’égard du politique. Convaincu de « l’impossibilité d’agir de manière positive dans le sens d’un retour réel au système normal et traditionnel », l’auteur italien vise à « abandonner tout but positif extérieur, rendu irréalisable par une époque de dissolution comme la nôtre. » Cette attitude ne s’oppose pas à une action dans le domaine politique, mais l’essentiel est de ne pas s’illusionner sur les effets positifs d’une telle action55. Il veut ainsi donner à ceux qui se sentent dans le monde sans être de ce monde des moyens de se confronter à la modernité et de se dépasser en « chevauchant le tigre51. » Ce livre est décrit par Adriano Romualdi comme le « bréviaire » d’une génération déracinée d’intellectuels de droite, un livre à placer auprès des œuvres de Sénèque, Marc Aurèle et Épictète22.
« S’il devait être question d’une réaction de fond contre le système, ce qui revient à dire contre les structures de la société et du monde moderne en général, selon moi, il y a peu de perspectives […] Il ne s’agirait pas de contester ou de polémiquer mais de tout faire sauter : ce qui, à ce jour, est évidemment de l’ordre de la fantaisie ou de l’utopie, en laissant une bonne place à l’anarchisme sporadique. La chose possible et importante est l’action de défense intérieure individuelle, pour laquelle la formule adaptée est : “Fais en sorte que ce sur quoi tu n’as pas prise, ne puisse avoir de prise sur toi”. »
— Julius Evola, Interview à Gianfranco de Turris, « Il Conciliatore », 15 janvier 1970.
Dans La Doctrine de l’éveil (1943), Evola propose de mettre en lumière la vraie nature du bouddhisme des origines. Son interprétation, basée sur le canon Pali, rejette les interprétations occidentales faisant du bouddhisme une religion quiétiste et humanitaire17. Dans un premier temps, il donne une définition de l’ascèse. Dans son aspect élémentaire, l’ascèse est un exercice, une discipline à caractère impersonnel, visant à soumettre toutes les forces de l’être humain à un principe central, éloigné du courant éternel du devenir. La morale prend une valeur purement instrumentale, et tout précepte éthique est jugé à l’aune de ses effets « ascétiques. » Destinée à détruire un oubli, une ignorance survenus dans l’être, le bouddhisme permet une réalisation spirituelle libre de toute mythologie religieuse ou morale63.
Julius Evola s’est beaucoup intéressé au problème de la race, au travers de sa vision traditionnelle du monde, notamment dans ses livres, Synthèse de doctrine de la race (en) (1941), Le Mythe du sang (1937), Éléments pour une éducation raciale (1941), ainsi que dans son introduction à la réédition italienne des Protocoles des sages de Sion (1938)64.
Dans le langage d’Evola, le mot « race » est d’abord synonyme de « qualité », dans le sens de qualité individuelle et non dans le sens d’une entité collective personnifiée. Du point de vue aristocratique, elle est une valeur en ce sens qu’elle s’écarte d’une égalité informelle. Elle est qualifiante, individuante. L’anthropologie, dite « aristocratique », d’Evola est essentiellement organique : l’homme est doté d’une structure en trois niveaux : biologique, psychique et spirituel. De même, l’homme ne doit pas être pris en soi, comme un atome ou un nombre, mais en tant que « membre d’une communauté », porteur de rapports organiques avec celle-ci. Evola reconnaît dans l’homme des dons comportementaux innés, comme le courage, la fidélité ou le sens de l’honneur, mais il ne croit ni « à l’action mécanique du milieu (…) [ni au] fatalisme de l’hérédité65 ». Il compare l’hérédité à un patrimoine qu’il est loisible de parfaire, ou de dissiper, d’où l’importance du rôle de la personnalité, donc de la nécessité d’« éveiller un sens de la responsabilité bien précis chez l’individu. » Dans ce sens, l’État doit guider l’individu dans ses choix, sans pour autant le contraindre par des mesures violentes64.
L’auteur admet l’existence d’une « race pure », au sein de laquelle sont assemblés de façon harmonieuse le corps, l’âme et l’esprit, et lorsque ce dernier domine tout l’être humain. À l’opposé sont situées les « races de nature » dont, à la suite d’une dégénérescence, le centre spirituel s’est déplacé vers l’instinct collectif, et dont la forme religieuse est le totémisme. Evola reprend les théories de Ludwig Ferdinand Clauss, pour lequel il existe dans chaque race, au-delà de dons spécifiques, différents traits de comportement qui s’expriment avec une force plus ou moins vive. Il reprend chez un autre théoricien de langue allemande, le bâlois Johann Jakob Bachofen (1815-1887), l’auteur du Mutterrecht (1861) – Le Droit Maternel – une typologie des différentes « races de l’esprit », hiérarchisées d’après leur pureté spirituelle64.
Concernant les Juifs, Evola estime qu’ils ne forment pas une race biologique, mais une « race spirituelle, » participant, en paraphrasant Otto Weininger, à l’idée platonicienne de judaïté. Il reconnaît au judaïsme des origines son caractère orthodoxe, donc impeccable au point de vue spirituel ; d’après lui, une crise spirituelle a affecté cette tradition, qui a donné naissance au judaïsme « moderne », dominé par une spiritualité décomposée et suspecte. Cependant, Evola nie formellement l’existence d’une conspiration juive, et insiste sur la nécessité de ne pas « s’abandonner à des manifestations de haine ». Il admet l’existence d’un « plan de subversion mondiale » au caractère occulte et non humain64. En 1942, il a aussi contribué à une brochure « Gli ebrei hanno voluto la guerra » (Les juifs ont voulu la guerre) pour l’article : La civilisation occidentale et l’esprit juif66.
Dans Métaphysique du sexe (1958), Evola se réclame d’une anthropologie qui reconnaît à l’homme la dignité d’un être. Il se défend d’un darwinisme ou d’un biologisme, d’après lequel l’homme descendrait du singe par évolution. Son point de départ est la doctrine traditionnelle, faisant descendre le singe de l’homme par involution67. Il est d’accord avec Joseph de Maistre que « les peuples sauvages ne sont pas des peuples primitifs au sens de peuples originels, mais, pour la plupart d’entre eux, des vestiges dégénérescents, crépusculaires, nocturnes, de races plus anciennes qui ont entièrement disparu. » De la même manière, il considère la sexualité animale telle qu’elle peut apparaître chez l’homme moderne, comme un relâchement et une régression. Il envisage l’amour non comme un soi-disant « instinct de reproduction », mais plutôt comme un phénomène magnétique, fondé sur la polarité des sexes54.
Evola part d’un contenu mythique, celui des dieux et des déesses, pour définir la masculinité et la féminité. Il s’inspire des thèses d’Otto Weininger, auxquelles ce livre devait constituer une introduction. Le sexe intérieur d’un individu serait le résultat d’un dosage de masculinité et de féminité, auquel le sexe physique ne correspondrait pas toujours. La normalité ne se situerait pas à égale distance de la masculinité et de la féminité, mais de la conformité maximale au Type. Aussi ce qui est « typique » serait non pas le plus fréquent, mais au contraire très rare. Il condamne l’homosexualité en tant que contraire au caractère magique de l’amour sexuel. Cependant l’usage que fait Evola du mot « virilité » ne doit pas s’entendre comme un « machisme » typiquement méditerranéen. Il méprise l’image occidentale de l’homme à la virilité exacerbée. Il le compare, dans La Doctrine de l’éveil (1943), à un « crustacé », c’est-à-dire à un type humain dur à l’extérieur, et mou à l’intérieur68. À cette « sexualisation tronquée et vide », il oppose la virilité spirituelle, dotée d’une supériorité innée54.
Julius Evola est arrêté en 1951 dans le cadre de l’affaire du Front d’action révolutionnaire et accusé de reconstitution du Parti fasciste. Lors de son procès, Evola ne dissimule pas ses idées politiques et reconnaît la fréquentation du Front d’Action Révolutionnaire qu’il influence :
« J’ai défendu, et je défends, des “idées fascistes”, non en tant qu’elles étaient “fascistes”, mais dans la mesure où elles reprenaient une tradition supérieure et antérieure au fascisme, où elles appartenaient à l’héritage de la conception hiérarchique, aristocratique et traditionnelle de l’État — conception ayant un caractère universel et qui s’est maintenue en Europe jusqu’à la Révolution française. En réalité, les positions que j’ai défendues et que je défends en tant qu’homme […] ne doivent pas être dites “fascistes”, mais traditionnelles et contre-révolutionnaires »
— Julius Evola, « Autodéfense », in Totalité, octobre 1985, p. 87.
Dans l’optique de ladite politique contre-révolutionnaire, il est incontestable qu’Evola a considéré que le fascisme et le national-socialisme aient eu un caractère positif51. Il est considéré par la droite radicale, comme elle se nomme elle-même, et les divers courants du néofascisme, de même que par les commentateurs critiques opposés, comme le penseur privilégié du néo-fascisme italien jusqu’à sa mort, en 1974. Il donnera également des armes idéologiques au Centro Studi Ordine Nuovo69, et à des fractions du Mouvement social italien62.
Il déplore cependant l’absence d’une vraie droite vraiment radicale et de forces susceptibles d’aller dans le sens qu’il préconise pour la réalisation de ses idées politiques. Dans Le Fascisme vu de droite (1964), il écrit : « Il faut dire qu’aujourd’hui il n’y a pas en Italie une Droite digne de ce nom70 ». Et, dans Le Chemin du Cinabre (1963), il écrit encore : « En dehors de l’adhésion de représentants des jeunes générations, attirés surtout par les fondements que les doctrines traditionnelles offrent à une orientation de Droite, les personnes qualifiées arrivées à maturité qui, dans le domaine des études et en partant des positions que j’ai défendues ou fait connaître, sont allées plus loin par des développements personnels sérieux, méthodiques et médités (…) ces personnes sont pratiquement inexistantes17 ».
À la fin des années 1960, une lecture radicale de l’« apoliteia » évolienne, montre la voie d’un engagement politique exaspéré, la « voie héroïque », pour en finir avec le système politique actuel. Cette ligne, suggérée par Franco Freda dans La Désintégration du système (1970), prône l’alliance avec l’extrême-gauche dans la lutte armée anti-bourgeoise. Un écrit de Julius Evola, La Doctrine aryenne du combat et de la victoire (1940), réimprimé par Freda en 1970 et 1977, constitue une sorte de nouveau bréviaire mystico-ascétique du soldat politique. Il inspire un « spontanéisme armé », dont le but est de réagir toutes les fois que l’honneur et la dignité du militant l’exigent, dans le cadre de la « guerre sainte. » Les disciples d’Evola, nouveaux « Légionnaires », se réclament d’une éthique guerrière et prônent « l’action en soi, le combat quotidien pour l’affirmation de sa propre nature62. » Il est également une source idéologique des Noyaux armés révolutionnaires dont le terrorisme« noir » culminera avec l’attentat de la gare de Bologne en 198071.
Julius Evola est traduit pour la première fois en France en 1956, et fait l’objet depuis de nombreux livres et articles51. Entre 1977 et 1987, le Cercle Culture et Liberté lance Totalité, une revue traditionaliste-révolutionnaire d’inspiration évolienne, et contribue à la diffusion des idées du penseur italien72. La réception en France de l’œuvre d’Evola passe également par la « Nouvelle Droite » française, dont il est un penseur de référence. Le Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne (GRECE) s’emploie à faire connaître Evola dans des revues comme Nouvelle École et Éléments, et publie Julius Evola, le visionnaire foudroyé (1977), un ouvrage collectif comportant le texte complet d’Orientations et un large résumé des Hommes au milieu des ruines73.
L’influence d’Evola s’exerce dans les écrits d’Alain de Benoist74, de Robert Steuckers, Marco Tarchi, Michael Walker ou encore Alexandre Douguine – particulièrement en France et en Italie, mais également sur les milieux néofascistes et les formations néonazies européennes et américaines contemporaines, notamment dans son aspect ésotérique et « pagano-aryen »75.
À côté du Evola et de sa réception politique et métapolitique, il existe un autre Evola, même s’il s’agit évidemment du même homme: l’historien des religions, le spécialiste des doctrines ésotériques, le chercheur orientaliste. Il a été publié par exemple par un éditeur comme Fayard et est reçu par un public assez nombreux pour être régulièrement réédité. On peut donc dire qu’il existe, en France et ailleurs, deux approches d’Evola, radicalement différentes, et faites par deux milieux qui s’ignorent47.
© 2024 Culture et Voyages
Thème par Anders Norén