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Il Trovatore

Il trovatore (en français : Le Trouvère1) est un opéra en quatre actes de Giuseppe Verdi, sur un livret de Salvatore Cammarano et Leone Emanuele Bardare, d’après le drame espagnol El Trovador (1836) d’Antonio García Gutiérrez. Il fut créé au Teatro Apollo de Rome le , puis représenté à Paris, au Théâtre-Italien, dans sa version originale, le .

En 1856 Verdi remania l’œuvre pour l’adapter à la forme du « grand opéra » exigée par l’Opéra de Paris, où elle fut représentée, le , sous le titre Le Trouvère. Le livret avait été traduit en français par Émilien Pacini2.

Genèse

On ne sait pas pourquoi Verdi s’est intéressé à la pièce d’Antonio García Gutiérrez. En 1836, El Trovador, la seule pièce de cet auteur, connu avant tout pour ses traductions, remporta en Espagne un succès aussi immense que soudain. Verdi l’apprit et décida d’acheter un dictionnaire d’espagnol pour pouvoir en lire le texte avant même qu’elle ne soit adaptée pour un théâtre italien, ou même traduite. Il était en effet à la recherche d’idées depuis l’achèvement de Luisa Miller en 1849, et c’est avec résolution qu’il choisit le drame de Guttiérrez pour sujet de son nouvel opéra. Il prie son librettiste Salvatore Cammarano – trop lent, selon lui – de se hâter, ignorant que la lenteur de son collaborateur est due à la maladie dont il mourra en 1852. Un nouveau librettiste, le jeune Emanuele Bardane, sans doute plus docile, et qui avait déjà aidé Cammarano dans ses derniers mois, prend la relève. (Sources : Tout Verdi, Paris, Laffont 2013.)

Création

L’opéra a été représenté pour la première fois au Teatro Apollo à Rome, le 3 où il « a commencé une marche victorieuse partout dans le monde de l’opéra ». Aujourd’hui, on le donne souvent ; c’est l’un des piliers du répertoire. Il apparaît à la 23e place sur la liste Operabase des opéras les plus représentés dans le monde.

Interprètes de la création

Réception

La critique

Le public

Représentations successives

L’immense popularité de l’opéra, avec quelque deux cent vingt-neuf productions à travers le monde au cours des trois années suivant la création, est illustrée par le fait qu’« à Naples, par exemple, l’opéra dans ses trois premières années, a été onze fois mis en scène dans six théâtres et que les représentations ont totalisé cent quatre-vingt-dix séances ».

L’opéra a d’abord été joué à Paris en italien le  par le Théâtre-Italien à la salle Ventadour. La distribution comprenait Lodovico Graziani dans le rôle de Manrico et Adelaïde Borghi-Mamo dans le rôle d’Azucena. Une version française traduite par Émilien Pacini et appelée Le Trouvère a d’abord été représentée à La Monnaie à Bruxelles le  et à l’Opéra de Paris à la Salle Le Peletier le . L’empereur Napoléon III et l’impératrice Eugénie ont assisté à ce dernier spectacle. Verdi a apporté des modifications notables à la partition pour la première de la version française du Trouvère à la salle Le Peletier (ajout du ballet de l’acte III, modifications dans la partition pour le rôle d’Azucena, interprétée à cette occasion par Borghi-Mamo). Il a également prolongé le finale pour le public français. Certains de ces changements ont été repris dans des productions modernes en langue italienne.

Il trovatore a été représenté aux États-Unis pour la première fois le  à l’Académie de Musique récemment ouverte à New York4. La première britannique a eu lieu le  à Covent Garden à Londres.

Aujourd’hui, presque toutes les productions montent la version italienne de l’opéra (Rome, 1853). Seule exception notable : en 2002, la version française, Le Trouvère (Paris, 1857) a été montée à l’Opéra de Sarasota dans le cadre du « cycle Verdi » qui représente toutes les œuvres du compositeur, et dont la fin est prévue pour 2016.

En 2014, la version d’Il trovatore dans la mise en scène d’Alvis Hermanis, avec la participation d’Anna Netrebko (Leonora), Placido Domingo (Luna) et Marie-Nicole Lemieux (Azucena), est représentée dans le cadre du Festival de Salzbourg5,6.

Argument

Résumé de l’action

I. Le duel – 1 – Dans l’Espagne du Moyen Âge, la gitane Azucena a enlevé le fils du comte de Luna pour venger sa mère, que le vieux comte avait envoyée au bûcher. Elle l’a élevé comme son propre fils, sous le nom de Manrico.

2 – Au service d’Urgel et banni par le roi d’Aragon, Manrico tombe néanmoins amoureux de Leonora, dame d’honneur de la reine.

3 – Bravant le danger, il essaie de la rencontrer au palais de l’Aljaferia, à Saragosse, sous le costume d’un trouvère ; mais il se heurte à un rival en la personne du jeune comte de Luna, qui a à peu près son âge.

4 & 5 – Se rencontrant dans le jardin, en présence du Comte qui les épiait, Leonora et Manrico sont victimes d’un quiproquo. Les deux hommes ressortent pour se battre en duel. (1er acte)

  • Tacea la notte placida I, 2. Cavatine : Leonora avoue qu’elle aime le vaillant chevalier, qu’elle a reconnu sous ses fenêtres, habillé en trouvère. (La nuit tranquille est silencieuse)
  • Tacea la notte I, 3. Romance : Le Comte chante son amour pour Leonora ; il est témoin de la sérénade de Manrico sous la croisée entrouverte de Leonora. (La nuit est silencieuse)

II. La gitane – 1 – Devant le feu de camp des gitans, en Biscaye, Azucena revit avec horreur en souvenir, le supplice de sa mère, brûlée vive sur ordre du vieux comte de Luna, et elle avoue l’échec de sa vengeance. En proie à un égarement subit, c’est son propre enfant qu’elle a jeté dans les restes du bûcher fumant. Elle fait jurer à Manrico qu’il vengera enfin sa mère, et sa grand-mère. Il obéit, et quand il émet des doutes sur sa propre origine, elle le rassure brièvement.

Un messager vient alors annoncer à Manrico que Leonora, croyant qu’il a été tué par le comte, veut se faire religieuse. Il se précipite pour l’en empêcher et il arrive à temps à la porte du couvent, où le comte se préparait à enlever Leonora, avant qu’elle ne prononce ses vœux. Manrico convainc sans peine Leonora de le suivre. (2e acte)

  • Stride la vampa Récit d’Azucena : son projet de vengeance. (La flamme brille…)
  • Il balen del suo sorriso Air : Le comte chante son amour pour Leonora qui ne veut pas de lui. (Son sourire radieux)

III. Le fils de la gitane – À la frontière de l’Aragon, à l’intérieur de la forteresse de Castellor, prise par Urgel mais assiégée par le Comte de Luna, on prépare le mariage de Manrico et de Leonora. Au moment où leur union va être scellée, un messager vient annoncer qu’Azucena a été interpellée par le Comte, sous les murs de la ville, qu’elle a été reconnue, et qu’elle est condamnée au bûcher, pour crime d’enlèvement. La cérémonie du mariage est interrompue, et Manrico se précipite hors de la forteresse, pour délivrer sa mère. (3e acte)

  • Ah! sì, ben mio, coll’essere I, 6 Air: Manrico célèbre son amour pour Leonora. (Ô toi, Mon seul espoir ! Sois inaccessible à la crainte !)
  • Di quella pira l’orrendo foco Cabalette: Manrico appelle aux armes pour sauver sa mère du bûcher. (Supplice infâme,qui la réclame! …)

IV. Le supplice – Fait prisonnier à son tour, Manrico est enfermé avec sa mère au donjon du palais de l’Aljaferia. Revenue discrètement au palais, Leonora propose au comte de l’épouser, à condition qu’il libère Manrico. Mais avant d’annoncer elle-même à Manrico qu’il peut partir, elle absorbe le poison qui lui permettra d’échapper à l’odieux mariage. Au mépris de son serment, Luna, dépité, donne l’ordre d’exécuter le proscrit, sous les yeux de sa mère. Satisfaite, Azucena annonce alors au comte de Luna qu’il vient de mettre à mort son propre frère. (4e acte)

  • D’amor sull’ali rosee IV, 1 Cavatine : Leonora décide de mourir (Brise d’amour fidèle, Vers sa prison cruelle, Emporte sur ton aile, Les soupirs de mon cœur!)
  • Miserere d’un’alma già vicina Miserere : Les moines accompagnent le condamné de leur chant funèbre, tandis que Leonora se désespère, et que Manrico lui répond depuis sa tour.
  • Tu vedrai che amore in terra Cabalette : Leonora (Tu verras qu’il n’y eut jamais sur la terre d’amour plus fort..)
  • Mira, di acerbe lagrime IV, 2 Duo : Leonora, le comte ; Leonora supplie Luna de libérer Manrico (À tes genoux je tombe en pleurs)
  • Se m’ami ancor … Ai nostri monti IV, 3 Duettino (Azucena, Manrico) (La fatigue à la fin m’excède)
  • Ti scosta... – Non respingermi... Finale, IV, 4: (Manrico, Leonora, le comte, Azucena) (Va-t’en! — Ne me chasse pas!)

Détail de l’action

L’action se situe dans le Nord de l’Espagne, en partie en Biscaye et en partie dans l’Aragon du xve siècle.

Prologue

Avant le lever du rideau, Ferrando, capitaine de la garde, narre au spectateur le contexte dans lequel l’opéra va se dérouler : le père du comte de Luna a eu deux fils d’un âge proche. Une nuit, on découvrit une gitane près du berceau du plus jeune des deux frères. On la chassa, mais l’enfant tomba malade peu après et on pensa qu’elle lui avait jeté un sort. Elle fut retrouvée et condamnée au bûcher.

La fille de la gitane, Azucena, décidée à venger sa mère, s’introduisit dans le château et s’empara du jeune enfant dans l’intention de le jeter lui aussi au bûcher. Mais elle fut prise d’un accès de folie et jeta au bûcher son propre enfant à la place de l’héritier. Elle éleva alors l’enfant de Luna comme son propre fils. Il prit le nom de Manrico.

Au début de l’opéra, Manrico est devenu adulte et trouvère, et Azucena est toujours décidée à exercer sa vengeance contre le comte de Luna à travers Manrico.

Acte I : Il duello (le duel)

Le palais d’Aliaferia en Aragon. Le comte de Luna, amoureux éconduit de Leonora, ordonne à ses hommes de saisir un troubadour qui chante sous les fenêtres de sa bien-aimée.

Dans les jardins du palais, Leonora confie à Iñez son amour pour un vaillant chevalier vainqueur d’un tournoi. Elle sait que celui-ci partage son amour, car elle a entendu son trouvère chanter une sérénade sous ses fenêtres.

Alerté par le chant du trouvère qu’il entend au loin, le comte de Luna sort du palais pour livrer un duel avec lui. Leonora l’entend aussi, et se précipite au dehors. Elle tombe sur les deux hommes qui déjà ont commencé à croiser le fer. Leonora s’évanouit.

Acte II : La gitana (la gitane)

Dans le camp des gitans, Azucena et Manrico sont assis autour du feu. Elle raconte avec passion ses souvenirs et ses haines, et comment sa mère a été tuée. « Venge-moi » dit-elle à Manrico, qui se demande s’il est bien son fils. Elle le rassure et lui jure son amour de mère.

Elle rappelle à son fils comment, engagé dans une bataille contre les troupes d’Aragon, il a épargné la vie du comte de Luna, qu’il tenait pourtant entre ses mains. Il lui répond avoir entendu une voix venue du ciel, le suppliant d’épargner la vie du comte. Un messager vient annoncer à Manrico que Leonora, le croyant mort, s’est cloîtrée dans un couvent.

Dans le couvent, le comte et ses hommes viennent enlever Leonora avant qu’elle prononce ses vœux. Il lui chante son amour pour elle (Il balen del suo sorriso). Manrico et ses hommes, venus sauver Leonora, apparaissent alors dans le couvent, et s’opposent aux hommes du comte.

Acte III : Il figlio della zingara (le fils de la gitane)

Manrico est parvenu à mettre Leonora en lieu sûr dans son camp de Castellor. Le comte de Luna et ses hommes font le siège du camp. Ils capturent une bohémienne qui rôdait alentour. C’est Azucena. Ferrando reconnaît la femme qui avait autrefois jeté le deuxième fils de Luna dans le bûcher. Pour se défendre, elle appelle au secours Manrico, en criant qu’il est son fils. Le comte la condamne au bûcher.

Dans la forteresse de Castellor, Manrico et Leonora se préparent à être unis par le mariage. Au moment où leur union va être conclue, un messager arrive et annonce la capture d’Azucena et sa condamnation au bûcher. Manrico réunit ses hommes et se précipite hors de la forteresse.

Acte IV : Il supplizio (le supplice)

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Ai nostri monti
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Duo Manrico-Azucena interprété par Enrico Caruso et Ernestine Schumann-Heink (1913)

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Manrico échoue dans sa tentative de sauver sa mère. Il est capturé lui aussi, et la mère et le fils sont retenus prisonniers dans le donjon du palais d’Aliaferia. Leonora, revenue au palais, échafaude un plan désespéré pour sauver Manrico. Elle propose au comte de Luna de l’épouser à condition qu’il rende sa liberté à Manrico. Le comte accepte son marché. Mais il ne sait pas que sa bague contient un poison qu’elle est décidée à absorber dès que son amant sera libéré. Ainsi elle échappera à cette union qu’elle refuse.

En se rendant au donjon où sont emprisonnés Manrico et Azucena, Leonora absorbe son poison. Elle pénètre dans la cellule et presse Manrico de partir. Mais il comprend que celle-ci a payé sa liberté au prix fort, quand il voit le poison produire ses premiers effets. Le comte arrive et trouve Leonora morte dans les bras de Manrico. Il ordonne que Manrico soit condamné à mort, et oblige Azucena à assister à l’exécution. Une fois le travail du bourreau achevé, elle révèle au comte que Manrico était son propre frère en s’écriant « Tu es vengée, ô ma mère ! »

Orchestration

La partition est composée pour l’effectif orchestral standard (à cette époque et au-delà), comprenant deux flûtes (dont un piccolo), deux hautbois, deux clarinettes, deux bassons, quatre cors, deux trompettes, deux trombones, un trombone basse, un cimbasso, des timbales, une grosse caisse, un triangleviolonsaltosvioloncelles et contrebasses.

Elle inclut toutefois des marteaux sur enclumes (à l’entrée du deuxième acte) et un orgue (au troisième acte), ainsi que des instruments de scène : cloches, tambour, harpe, cor.

Annexes

Discographie sélective

Bibliographie

  • Patrick Favre-Tissot-Bonvoisin, Giuseppe Verdi, Bleu Nuit Éditeur, Paris, 2013 (ISBN 978-2-35884-022-4)
  • Jean Cabourg, Michel Orcel, Bruno Poindefert, Elisabeth Giuliani, Gilles de Van, Eloi Recoing, Jean Cabourg, Elisabetta Soldini, Il trovatore dans L’Avant-Scène Opéra, Éditions Premières Loges, Paris, 2003, 146 p. (ISBN 2-84385-228-5)
  • Gilles de Van, Il trovatore dans Guide des opéras de Verdi, Jean Cabourg, directeur de la publication Fayard, collection Les indispensables de la musique, Paris, 1990, p. 457–524 (ISBN 2-213-02409-X)
  • Gustav KobbéIl trovatore, dans Tout l’opéra, de Monteverdi à nos jours (Kobbé), Robert Laffont, Collection Bouquins, 1993, p.-387–391 (ISBN 2-221-07131-X)
  • Piotr Kaminski, Il trovatore, dans Mille et un opéras, Fayard, collection Les indispensables de la musique, Paris, 2004, p.-1598–1601 (ISBN 978-2-213-60017-8)

Notes et références

  1.  Le Trouvère est le titre de la version créée pour être chantée en français à l’Opéra de Paris en 1857. Ce titre est cependant souvent utilisé en France pour désigner Il trovatore.
  2.  Gilles de Van, dans le Guide des opéras de Verdi, évoque un véritable « Trouvère français ».
  3.  François-René TranchefortL’Opéra, Paris, Éditions du Seuil, 634 p. (ISBN 2-02-006574-6)p. 213
  4.  Avec Balbina Steffenone, cf. (en) Giacomo Meyerbeer (trad. de l’allemand), The Diaries of Giacomo Meyerbeer : The last years, 1857-1864, Madison N.J., Fairleigh Dickinson University Press, , 718 p., traduit, édité et annoté par Robert Ignatius Le Tellier (ISBN 0-8386-3845-7LCCN 98052129lire en ligne [archive])p. 63
  5.  Lucas Irom, « Compte rendu, opéra. Salzbourg, Grosses festspielhaus, le 15 août 2014. Verdi : Le Trouvère, il Trovatore » [archive], sur classiquenews.com (consulté le )
  6.  « Il Trovatore – Festival de Salzbourg (2014) » [archive], sur opera-online.com (consulté le )

Sources

  • Istituto nazionale di studi verdiani
  • Tout Verdi sous la direction de Bertrand Dermoncourt, Robert Laffont, Collection Bouquins, 2013.

Articles connexes

Liens externes

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