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La peinture zen

La peinture zen

 

Orchidées, bambous, bruyères et rochesTesshū Tokusai, av. 1366. Encre sur papier

Au cours du XIVe siècle, la multiplication des grands monastères zen à Kamakura et Kyoto a un profond impact sur les arts visuels. Le sumi-e, le style monochrome de peinture à l’encre importé de la Chine des dynasties Song et Yuan, remplace dans une large mesure les peintures polychromes sur rouleaux de la période précédente, bien que subsiste partiellement la peinture de portraits des moines zen — essentiellement sous la forme des peintures chinsō polychromes. Dès l’époque de Kamakura, le véritable culte que les japonais portent à la nature se révèle avec une extrême simplicité dans ce type de peinture monochrome, toute dans l’énergie donnée au mouvement du pinceau. Le motif chinois des fleurs et oiseaux se concentre, dans la peinture des moines zen, en quelques mouvements de l’encre noire sur le papier blanc29.

Cette période voit la peinture religieuse prendre un aspect plus esthétisant30, fin XIVe -début XVe siècle. Le moine-peintre Minchō31 adopte des procédés de représentation chinois (Song du Sud, 1127-1279) associés au plaisir de la couleur (en Chine Liu Songnian(XIIe début XIIIe siècle) ou Zhou Jichang (actif au début du XIe siècle) et surtout Yan Hui (début XIVe siècle). Il crée un style aux lignes épaisses et anguleuses, et forme Reisai et Sekkyakushi32,33.

Typique de la peinture zen du début de l’époque de Muromachi, la représentation du moine légendaire Kensu (Hsien-tzu en chinois) au moment où il atteint l’Éveil a été réalisée par le prêtre-peintre Kao (actif au début du XVe siècle). Exécuté avec de rapides coups de pinceau et un minimum de détails, ce type de peinture était considéré, dans les monastères zen, comme un support à la méditation, ou comme l’expression de la « vérité » telle que la comprenait l’artiste, lui-même moine zen34. L’usage de l’encre seule et de l’eau sur papier, suiboku-ga correspondait à cette recherche de l’effet maximal avec le moyen minimal.

Partie inférieure (L. 75 cm) de La pêche au poisson-chat avec une gourde par Josetsu, v. 1415. Encre et couleurs légères sur papier.

La pêche au poisson-chat avec une gourde, par le moine-peintre Josetsu au service du shogun, marque un tournant dans la mesure où, progressivement depuis cette époque, le paysage ne devait plus quitter le répertoire de la peinture japonaise35.

Cette peinture met en scène un homme au bord d’un ruisseau et un poisson, dans un paysage. Il tient une petite gourde et regarde le poisson-chat qui nage tranquillement. L’homme semble manier cette calebasse comme s’il avait l’intention d’y faire entrer le poisson. En fait, on se trouve devant la forme imagée d’un paradoxe bouddhiste (un kōan) qui reste énigmatique. Certains critiques y ont d’ailleurs vu une satire déguisée d’un Éveil (Satori) insaisissable36.

Derrière eux un espace laissé blanc évoque un brouillard et à l’arrière-plan les montagnes paraissent bien lointaines37. L’ensemble se distingue par une forte asymétrie. Cette peinture, exécutée aux environs de 1413, se réfère à une formulation de la profondeur de l’espace chinoise (la peinture de lettrés, dite École du Sud) (les peintres de la dynastie Song, Li Cheng et Guo XiMa Yuanetc.). D’ailleurs le peintre introduit les couleurs légères que l’on retrouve aussi dans la peinture chinoise et non dans la peinture zen qui lui est contemporaine au Japon. Mais il semble, par contre, ignorer la peinture novatrice qui lui est contemporaine en Chine, celle de Shen Zhou et l’école de Wu (à Suzhou).

La fin du XIVe siècle est l’âge d’or de la peinture à l’encre. La peinture de paysage (sansuiga) monochrome, qui bénéficie du patronage de la famille régnante des Ashikaga, est le genre préféré parmi les peintres zen. Elle évolue progressivement à partir de ses racines chinoises (appelé au Japon le style kanga (漢画 – かんが) ou kara-e) vers un style plus japonais (style yamato, ou yamato-e)38.

Les grands artistes de la période Muromachi sont les moines-peintres Shūbun et Sesshū39,40,41. Shūbun, moine du temple Shokoku-ji à Kyoto, créée, dans le tableau La lecture dans un bosquet de bambous (1446), un paysage réaliste avec une profonde récession dans l’espace. Sesshū, contrairement à la plupart des artistes de l’époque, est en mesure de voyager en Chine et d’y étudier la peinture chinoise à sa source. Paysages des quatre saisons, vers 1486, rouleau portatif de 15 mètres de long, est un chef-d’œuvre de la peinture japonaise. Bien que basé à la fois sur le thème et le style des modèles chinois (à la manière de Xia Gui), il est néanmoins de caractère bien japonais. Il a des lignes plus épaisses, des contrastes plus nets et un effet d’espace plus plat que celui habituel dans la peinture Song42.

L’époque de Muromachi voit surtout les peintres de paysage transposer les peintures sur rouleau à des formats monumentaux sur les paravents, byōbu, et les cloisons coulissantes, fusuma, éléments indissociables des demeures des nobles. La peinture de paysage qu’adoptent alors les artistes de l’école Kano et de l’école Ami (SōamiNōami et Geiami) leur permet d’introduire, par exemple sur une paire de paravents à six feuilles, un paysage panoramique décoratif, procédé que la Chine ignorait43,44,45. Cette innovation eut un succès considérable et permanent au Japon jusqu’aux temps modernes et même avec un prolongement inattendu sous la forme actuelle des estampes numériques murales du XXIe siècle.

 

Quelques artistes célèbres

 

Peintres de l’époque de Muromachi :

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