Car l'un ne va pas sans l'autre !
La Sicile
La Sicile (Sicilia /siˈtʃiːlja/ en italien et en sicilien) est une région autonome d’Italie. L’île homonyme, qui compose cette région à 98 %, est la plus grande île de la mer Méditerranée. Son chef-lieu est Palerme. La langue officielle est l’italien, mais elle a sa propre langue parlée et écrite, le sicilien.
Avec une superficie de 25 708 kilomètres carrés, c’est la région la plus étendue de l’Italie, et son territoire est constitué de neuf anciennes provinces à leur tour partagées en 390 municipalités. Elle est également la seule région italienne à compter deux des dix villes les plus peuplées du pays : Palerme et Catane. Le drapeau de la Sicile, la gorgone à trois jambes (Trinacria), représente les trois pointes de l’île, pointe ouest de Trapani–Marsala, pointe nord-est de Messine et pointe sud-est de Syracuse.
Image satellite de la Sicile durant une éruption de l’Etna en 2002.
La Sicile est une île d’Italie bordée au nord par la mer Tyrrhénienne et située à l’ouest-sud-ouest de la Calabre méridionale. Au nord-est de l’île et à une trentaine de kilomètres de la côte, se situent les îles Éoliennes, qui constituent un archipel volcanique. Parmi elles, on remarquera l’île de Stromboli, connue pour son fameux volcan, et qui se trouve à 61 kilomètres au nord de la localité de Milazzo. La Sicile est séparée de la péninsule par le détroit de Messine, large d’un peu plus de 3 kilomètres. Elle est aussi baignée à l’est par la mer Ionienne. À 86 km au sud-sud-ouest de la localité de Cava d’Aliga (Libre consortium municipal de Raguse) se situe l’île de Malte. Enfin, à 144 kilomètres à l’ouest-sud-ouest de l’extrémité occidentale de la Sicile se trouve la Tunisie, séparée de la grande île italienne par le canal de Sicile.
Le relief de l’île est souvent montagneux, en particulier au nord avec les monts Péloritains, Nébrodes et Madonies, prolongements des Apennins. Le centre et le sud sont composés de collines. Il existe de rares plaines, notamment la plaine de Catane et la Conca d’Oro.
Rocca Novara, aussi appelé Rocca Salvatesta, Monts Péloritains.
Détroit de Messine, vu de mont Dinnammare, Monts Péloritains.
Localisée à la rencontre de la plaque eurasienne et de la plaque africaine, la Sicile est célèbre pour ses volcans, notamment l’Etna, point culminant de l’île à 3330 mètres. Mais d’autres cratères se rencontrent aussi au nord-est, dans les îles Éoliennes : ce sont le Stromboli et le Vulcano. La Sicile est également exposée aux tremblements de terre, comme à Messine en 1908 ou dans la vallée du Belice en 1968. Le réseau hydrographique est constitué de petits fleuves et de cours d’eau pérennes.
Le papyrus du fleuve Ciane.
Les fleuves siciliens sont tous de débit et d’étendue limités. Les cours d’eau Apennins au nord sont appelés fiumare, et sont à caractère torrentiel, sauf en été où ils sont presque perpétuellement à sec. Les seules rivières qui atteignent une taille appréciable sont l’Imera méridionale, la plus longue de l’île, et le Simeto, celui-ci ayant le bassin hydrographique le plus étendu. Le fleuve Simeto est aussi connu pour la découverte de l’ambre minéral (simetina). Se jettent dans la mer Ionienne le Simeto, l’Alcantara, l’Agrò, le Ciane et l’Anapo ; dans la mer Tyrrhénienne l’Imera septentrionale et le Torto et dans le canal de Sicile le Platani, l’Imera méridionale (ou Salso) et le Belice. À l’exception du lac de Pergusa et du lac de Lentini (semi-artificiel), la Sicile ne comporte pas de lacs naturels2.
Éruption du Stromboli.
À cause de sa position, la région et les îles avoisinantes sont concernées par une intense activité volcanique. Les volcans les plus importants sont : Etna, Stromboli et Vulcano. Ils ont la singularité d’appartenir à trois typologies différentes : éruptions de laves basaltiques entrecoupées de périodes de calme, pour la première typologie ; éruptions continues et fontaines de lave, pour la seconde, dont les caractéristiques ont été prises comme un modèle typologique par des scientifiques dans le domaine, qui ont forgé l’expression type strombolienne pour désigner les activités similaires des volcans terrestres ; enfin typologie de type explosive ou plinienne pour la troisième, caractérisée par de longues périodes de calme apparent et des éruptions violentes.
Située au sud de la péninsule italienne, l’île bénéficie d’un climat méditerranéen, aux hivers doux et humides et aux étés chauds et très secs. Au printemps les paysages sont verts et fleuris tandis qu’en été le manque d’eau les rend jaunes et sans fleurs. L’aridité est marquée dans le sud, directement atteint par le sirocco. La Sicile souffre d’ailleurs d’un déficit chronique en eau certaines années en été, occasionnant régulièrement des pénuries et des coupures sur l’île.
La Sicile possède une grande diversité climatique du fait de son relief. Sur la côte en été, à Palerme par exemple, le mercure ne descend jamais en dessous des 20 °C la nuit et peut grimper à 35 °C en journée. En hiver, au sommet de l’Etna, il peut faire -3 °C, où les précipitations au sommet sont sous forme de neige, mais sur la côte (toujours à Palerme pour exemple), il peut y faire au même moment 15 °C.
La variété des paysages de la Sicile ne permet pas d’attribuer un climat homogène à l’ensemble de l’île. De manière générale, le climat sicilien est doux l’hiver, et chaud l’été. Cela permet à une végétation typiquement méditerranéenne et tropicale de se développer. C’est un climat méditerranéen avec des tonalités africaines. Ainsi, le Sirocco, de l’arabe « Sahroq » (« provenant du désert »), est un vent tropical terriblement chaud (plus de 40 °C) et sec, venant du Sud ou du Sud-Est, qui s’abat en été sur la Sicile. Ce vent, naissant dans le désert africain, brûle la Sicile et apporte même parfois du sable du désert du Sahara.
Catane est la ville la plus chaude de la Sicile — les étés torrides dépassent les 45 °C — mais avec des hivers plus frais que sur la partie occidentale de l’île. Enna, ville située au centre de la Sicile, possède des étés chauds comme sur la côte mais des hivers frais, à cause de l’altitude de la localité. Il a été mesuré une température exceptionnelle de 48,5 °C à Catenanuova le 10 août 19993.
Peuplée de plus de 5 millions d’habitants, la Sicile reste, malgré des vagues successives d’émigration, une région densément peuplée. Sa densité est de 197 habitants/km2, contre 68,7 pour la Sardaigne et 32 pour la Corse. La population se concentre dans les principales villes : Palerme (1 million d’habitants), Catane(500 000 habitants), Messine (300 000 habitants) ainsi que dans de multiples bourgs et petites villes à l’habitat groupé.
Terre d’émigration massive vers l’Europe du Nord et vers l’Amérique du xixe siècle jusque dans les années 1980, la Sicile accueille désormais des populations immigrées, même si celles-ci ne constituent que 3 % du total des habitants de l’île5. La Sicile est également devenue une zone de transit pour l’immigration clandestinede l’Afrique vers l’Europe du Nord à partir de Lampedusa.
Surnommée Trinacrie dans l’Antiquité grecque en raison de sa forme triangulaire, sa situation de verrou au centre de la mer Méditerranée lui a toujours conféré une position stratégique. Ceci explique la richesse culturelle de l’île.
La langue officielle est l’italien mais le sicilien est couramment utilisé dans les conversations en famille ou entre amis. À l’intérieur même de la langue sicilienne, on trouve des dialectes, différents suivant les régions de la Sicile, mais tous mutuellement intelligibles. Au cœur de la province de Palerme, dans la « plaine des Albanais » est encore parlé l’albanais.
Les neuf provinces siciliennes.
Les 9 anciennes provinces siciliennes sont abrogées par projet de loi adopté le 19 mars 2013 par l’Assemblée régionale sicilienne dirigée par Rosario Crocetta. Elles sont remplacées par des syndicats libres de communes dont l’élection est prévue en décembre 20176,7.
Les anciennes provinces sont les suivantes :
Localisation des différentes tribus en Sicile avant la colonisation grecque.
À partir du IIe millénaire av. J.-C., l’île est occupée par trois peuples : les Sicanes, les Sicules et les Élymes.
Les Sicanes, sans doute d’origine ibérique, étaient implantés dans l’ouest de l’île. Les Sicules, originaires de la péninsule et arrivés postérieurement, s’établirent dans le centre et l’est. Ils donnèrent leur nom à la Sicile qui s’appelait auparavant Trinakie.
À côté des Sicules à l’est et des Sicanes à l’ouest, la tradition littéraire indique que la région nord-ouest de l’île était habitée par les Élymes. L’image de ces derniers est plutôt floue, et il est difficile d’en déterminer l’origine (attribuée tantôt à l’Anatolie, tantôt à l’Italie péninsulaire). Elle est généralement basée sur la langue, et de récentes considérations indiqueraient une filiation italique.
À partir du viiie siècle av. J.-C., les Phéniciens fondent des comptoirs commerciaux en Sicile. Ceux-ci, souvent établis sur des promontoires ou des îles voisines de la côte, sont concentrés à la pointe nord-occidentale comme Palerme, Solonte ou Motyé9 .
Les fondations (premières et secondaires) grecques des cités de Sicile & dates de fondations.
La colonisation est due à quatre causes principales.
C’est en général la chronologie retenue pour la fondation des cités de Sicile. Elle est estimée par les historiens comme relativement fiable. Mais si on la recroise avec l’archéologie, on remarque une marge d’erreur d’environ 20 ans. Pour Naxos, la datation archéologique nous donne une date de fondation aux environs de 750. Et les plus vieilles traces grecques retrouvées vers 756. Aucune information n’est donnée pour Zancle10.
La Sicile fut ensuite gouvernée par des princes appelés « tyrans » dont les fameux Denys l’Ancien et Denys le Jeune (qui accueillit le philosophe Platon).
La Sicile fut un enjeu dans la guerre du Péloponnèse opposant Athènes à Sparte : en -415, sous l’influence d’Alcibiade, Athènes se lança dans l’expédition de Sicile, profitant des dissensions qui opposaient les cités de l’île : Athènes répondait à l’appel de Ségeste, attaquée par Sélinonte en -416. Syracuse, colonie corinthienne, était alliée de Sélinonte. Ségeste fit appel à Athènes, offrant même de payer les frais d’expédition. À ce moment de la guerre, la perte de l’Eubée, et la défection de nombreux alliés d’Athènes avaient rendu ses approvisionnements en blé précaires. La perspective de couper ceux des alliés siciliens de Sparte, tout en conquérant de nouvelles sources de ravitaillement fut certainement un élément déterminant.
Temple de Ségeste.
L’expédition prit la mer sous le commandement de Nicias, d’Alcibiade et de Lamachos en juin -415. En Sicile, Lamachos fut tué et Nicias resta seul à la tête de l’expédition. L’arrivée à Syracuse de Gylippos, général spartiate, fit perdre aux Athéniens la bataille des retranchements autour de la ville (octobre -414). La flotte athénienne fut emprisonnée dans la rade. Les Athéniens envoyèrent une force de secours commandée par Démosthène et Eurymédon (it). En août -413, la flotte fut défaite à la bataille des Épipoles, puis l’armée fut vaincue sur terre. Athènes perdit plus de deux cents navires dans cette expédition, et cinquante mille hommes (dont sept mille prisonniers des Latomies, carrière de Syracuse).
La Sicile fut un enjeu stratégique et économique important lors des deux premières guerres puniques. Elle tomba aux mains des Romains après la victoire du consul C. Lutatius Catulus en -241 aux îles Egates : cette bataille marqua la fin de la première guerre punique qui opposa Rome à Carthage sur le théâtre sicilien. Après cette défaite, Carthage abandonna la Sicile qui devint une province romaine et assura désormais une partie importante du ravitaillement de Rome en céréales.
Le roi de Syracuse Hiéron II fut un fidèle allié des Romains pendant la deuxième guerre punique, mais son petit-fils Hiéronyme, choisit en -215 le camp carthaginois. Après une série de victoires d’Hannibal, la prise de Syracuse en -212 annonce le redressement romain et préfigure la défaite carthaginoise. À la veille de l’Empire, la Sicile fut la base de la résistance des derniers Pompéiens menés par Sextus Pompée, fils de Pompée.
Après la chute de l’Empire romain, la Sicile fut envahie par les peuples germains, puis releva de l’empire byzantin jusqu’à la conquête musulmane de 827 à 902.
Intérieur de la chapelle palatine de Palerme. Le décor de mosaïques et de stucs témoigne du mélange des influences normande, byzantine et musulmane dans la Sicile normande.
En 535, le général byzantin Bélisaire, après avoir détruit le royaume vandale établi en Afrique du nord, débarqua en Sicile, prit Palerme puis conquit le reste de l’île, alors dépendance du royaume ostrogoth d’Italie. La Sicile devint à cette date une province de l’Empire byzantin. Cependant, la puissance de celui-ci allant déclinant, la Sicile fut envahie par les forces du calife Othmân ibn Affân en l’an 652. Cette première incursion fut de courte durée et les musulmans quittèrent l’île peu de temps après.
À la fin du viie siècle, lors de la conquête du Maghreb, les Arabes prirent le port de Carthage, ce qui leur permit de construire des chantiers navals ainsi qu’une base permanente à partir de laquelle ils pouvaient désormais plus aisément attaquer la Sicile.
Autour de l’an 700, l’île de Pantelleria fut prise par les Arabes, et seules des discordes internes les empêchèrent d’envahir la Sicile. Des accords commerciaux furent contractés avec les Byzantins, ces derniers espérant ainsi que leurs ennemis renonceraient à conquérir l’île. Ils furent donc autorisés à échanger librement des biens dans les ports de Sicile. Malgré ces accords, les flottes musulmanes procédèrent à des attaques répétées en 703, 728, 729, 730, 731, 733 et 734 (ces deux dernières incursions se heurtèrent à une importante résistance des Byzantins).
La première véritable expédition de conquête musulmane se déroula en 740. En effet, cette année-là, le prince Habib, qui avait participé à l’attaque de 728, parvint à s’emparer de Syracuse. Prêts à conquérir toute l’île, les Arabes furent contraints de rentrer en Afrique du nord en raison d’une révolte berbère. En 752, une nouvelle attaque contre Syracuse eut lieu, non pas pour conquérir la cité, mais pour la mettre à sac.
En 826 Euphemius, amiral de la flotte byzantine en Sicile, contraignit une nonne à l’épouser. L’empereur Michel II eut connaissance de ce scandale et ordonna à son général sur l’île, Constantin, de mettre fin à ce mariage et de châtier Euphemius en lui faisant trancher le nez. Mais celui-ci se dressa contre Constantin, le tua et occupa Syracuse. Défait à son tour par les troupes impériales peu après, il fuit en Afrique du nord. Il offrit la Sicile à Ziadet-Allâh Ier, émir aghlabide de Kairouan qui régnait sur tout l’Ifriqiya, en échange de la vie sauve et d’un poste de général. L’émir accepta de s’emparer de l’île et de la donner à Euphemius contre un tribut annuel.
Ziadet-Allâh Ier confia la mission de conquérir la Sicile à un cadi âgé de 68 ans, Asad ibn al-Furât ibn Sinân. L’armée musulmane était composée d’Arabes, de Berbères, d’Andalous, de Crétois et de Perses. Elle était constituée par 10 000 fantassins, 700 cavaliers, 100 navires, ainsi que par la flotte et les cavaliers d’Euphemius. Une première bataille contre les troupes loyales byzantines eut lieu le 15 juillet 827 à Capo Granitola, sur le territoire de Mazara del Vallo, qui se solda par une victoire d’Asad ibn al-Furât ibn Sinân.
Par la suite, ce dernier conquit tout le sud de la Sicile et arriva devant Syracuse. La cité fut assiégée pendant une année. Malgré une mutinerie au sein de ses troupes, Asad réussit à défaire une grande armée byzantine venue de Palerme, soutenue par une flotte vénitienne dirigée par le doge Giustiniano Participazio. La peste se déclara alors dans les rangs musulmans et emporta Asad ibn al-Furât ibn Sinân lui-même. Les musulmans levèrent alors le siège de Syracuse et se replièrent vers le château de Mineo. Par la suite, ils reprirent les hostilités, mais échouèrent dans leur tentative de prendre Castrogiovanni (aujourd’hui Enna), offensive au cours de laquelle Euphemius mourut. Ils retournèrent alors à Mazara.
En 830, ils reçurent en renforts des troupes berbères et andalouses, soit au total 30 000 hommes. Les musulmans ibériques vainquirent les Byzantins commandés par Théodotus en juillet ou août de cette année. Mais ils furent frappés par la peste, comme l’armée d’Asad ibn al-Furât deux ans plus tôt. Ils se replièrent vers Mazara del Vallo, puis retournèrent en Afrique. Les Berbères eurent plus de fortune. Envoyés pour attaquer Palerme, ils réussirent à prendre la cité après un long siège, en septembre 831. Elle prit le nom de al-Madinah Balharm et devint la capitale de la Sicile musulmane.
La conquête du reste de l’île fut très difficile. Les Arabes rencontrèrent de fortes résistances et il fallut encore 70 ans pour s’en emparer en totalité. Messine tomba en 843. Syracuse, résidence des stratèges du thème de Sicile, résista à un long siège et fut prise en 878. La dernière place forte byzantine conquise, Taormine, tomba le 1er août 902. La puissance byzantine ne garda en Sicile qu’une ultime place forte, Rometta, qui ne fut prise que bien plus tard, par les Kalbites en 965, après un siège commencé en 963. Passée au cours du ixe siècle sous domination arabo–berbère11, la Sicile est, au début du ixe siècle, sous contrôle des Fatimides, conquérants de l’Afrique du Nord appuyés par des Berbères. Durant cette période l’islamisation, l’arabisation et la berbérisation seront d’autant plus radicales qu’une importante vague migratoire berbère suivra les famines qui ravagèrent l’Afrique du Nord de 1004 à 1040. Durant cette période de domination musulmane de près de 250 ans (Palerme fut une ville musulmane de 831 à 1071), les chrétiens occupés se virent imposer le statut de « dhimmi » tel que défini par la jurisprudence islamique12,13.
Après l’échec de la tentative de reconquête byzantine en 965, un processus d’arabisation totale du territoire sicilien est mis en place, favorisé par une importante immigration arabe et berbère en provenance d’Afrique du Nord et appuyé sur une politique de développement économique et d’amélioration de la gestion fiscale. La Sicile se conforme alors au modèle économique des principautés d’Orient : production agricole destinée au marché et au palais, en particulier le coton, la soie, et les produits de luxe. Mazara, à l’extrémité sud-ouest de l’île, est alors le port central des échanges en Méditerranée.
Quelques communautés chrétiennes grecques parviennent à subsister, à Palerme, à Catane et dans le val Demone, au nord-est de l’île. Au début du xie siècle, la Sicile entre dans une période de crise politique grave. Vers 1030, la légitimité de l’imamat fatimide est en effet remise en question et les gouverneurs kalbides sont chassés de l’île. Les querelles dynastiques entre émirats rivaux conduisent à une fragmentation du pouvoir et à un affaiblissement politique dont profitent les Byzantins. En 1037, avec l’aide d’une faction musulmane, les Grecs lancent une nouvelle tentative de reconquête. L’expédition, conduite par le général grec Georges Maniakès, qui comptait déjà trois cents mercenaires normands prêtés par le prince lombard Guaimar IV de Salerne échoue cependant en 1042.
Les territoires musulmans de Sicile constituèrent une province de l’émirat des Aghlabides. Ceux-ci régnaient déjà, depuis leur capitale Kairouan, sur de vastes territoires en Afrique du nord, l’Ifriqiya. Sunnites, ils reconnaissaient l’autorité du calife abbasside de Bagdad, dont ils étaient les vassaux.
La Sicile était administrée par un gouverneur, ou wâli, qui résidait à Balharm (Palerme) depuis la conquête de cette ville en 831. Les gouverneurs, dont la forteresse sera sous le comte normand Roger II de Sicile restructurée et agrandie pour former le Palais des Normands, dirigeaient l’administration, l’armée et la justice. Ils nommaient les gouverneurs des principales villes, les juges (cadi, qādi) les plus importants et les arbitres (hakam) compétents pour résoudre les petits litiges privés.
Après l’invasion musulmane, les populations vivant en Sicile étaient constituées principalement de natifs siciliens, d’Arabes, de Berbères, de Perses, et de rares Turcs provenant d’Asie centrale.
Les musulmans ne cherchèrent pas à islamiser directement la Sicile, même si indirectement ils utilisèrent toutes les opportunités pour le faire. La partie occidentale de l’île se convertit à environ 50 %, tandis que la partie orientale resta en grande partie chrétienne. Il existait également à cette époque un nombre significatif de Juifs en Sicile. Les chrétiens se virent appliquer le statut juridique de la dhimma, qui les autorisait à pratiquer leur culte de manière privée et dans les églises déjà existantes. Selon Michele Amari, « il était interdit aux dhimmi (chrétiens soumis à la dhimma) de porter les armes; de monter à cheval, de mettre des selles sur leurs ânes et mulets; de construire leurs maisons plus grandes ou même aussi grandes que celles des musulmans; de porter des prénoms musulmans ou d’utiliser des cachets avec le lettrage arabe. Par ailleurs, il leur était interdit de boire du vin en public, d’accompagner leurs morts au cimetière avec la pompe funèbre et les lamentations. Il était interdit aux femmes d’entrer dans les bains publics fréquentés par les femmes musulmanes, ou de rester si des femmes musulmanes arrivaient. Et afin qu’ils n’oublient à aucun moment leur statut inférieur, les dhimmi devaient inscrire sur leur porte une marque distinctive, porter également un signe distinctif sur leurs vêtements, utiliser des turbans avec une couleur distincte et surtout porter une ceinture en cuir ou en laine. Dans la rue, ils devaient laisser le passage aux musulmans. S’ils étaient assis en groupe, ils devaient se lever à l’arrivée ou au départ d’un musulman. Il était interdit de montrer des croix en public, de lire l’Évangile si fort que les musulmans pourraient l’entendre, de parler avec eux du Messie; ou de faire sonner les cloches vigoureusement ou de frapper dans les mains bruyamment »1. Les dhimmi devaient également payer le djizîa (un impôt par tête) et le kharâj (un impôt foncier).
En 909, ‘Ubayd Allâh al-Mahdî, imam chiite des ismaéliens venu de Syrie et prétendant descendre de Mahomet par sa fille Fâtima az-Zahrâ’ et son gendre `Alî ibn Abî Tâlib, renversa les Aghlabides de Kairouan, et fonda la dynastie des Fatimides. Chiite, il contestait la légitimité du calife abbasside de Bagdad, sunnite et rejetait son autorité : il se proclama lui-même calife en 909 à Mahdia, où il établit officiellement sa capitale en 921.
La Sicile devint alors une province de ce califat, un wali pro-Fatimides étant nommé à Palerme, `Alî ibn Ahmad ibn Abî al-Fawâris (qui avait déjà été gouverneur de la Sicile quelques années auparavant sous les Aghlabides).
Article détaillé : Kalbites. Les trois valli siciliens.
En 947, le calife fatimide Ismâ‘îl al-Mansûr Billâh avait nommé Hasan ibn `Alî al-Kalbî gouverneur de Sicile. En 948, il lui fut concédé le titre d’émir (amīr). Celui-ci établit alors sur la Sicile sa propre dynastie, les Kalbites (originaires du Yémen), vassale des Fatimides.
La Sicile était partagée à cette époque en trois valli, c’est-à-dire des divisions administratives à la tête desquelles se trouvait un gouverneur nommé par l’émir (le mot valli est dérivé de l’arabe wâli, et non du latin vallis (vallée)). Le vallo de Mazara comprenait toute la partie occidentale de l’île, avec les provinces de Trapani, Agrigente et Palerme (ville de résidence de l’émir). Les limites orientales avec les deux autres valli était constituées par les fleuves Imera Septentrional (ou Supérieur), et Imera Méridional (ou Inférieur, ou encore le fleuve Salso), le long d’une ligne imaginaire formée par les villes de Termini, Polizzi Generosa et Alicata. Le vallo de Mazara faisait environ 11 000 km2 et était le plus grand des trois. Le vallo de Noto comprenait la partie sud-est de l’île, avec les cités de Noto et Syracuse. Le vallo Demone recouvrait la partie nord-est de l’île, autour de la province de Messine. Cette organisation de la Sicile en trois valli subsista bien après les Arabes, jusqu’en 1818.
Au commencement du gouvernement des Kalbites, la Sicile, surtout dans sa partie occidentale, connut une grande prospérité. Les Arabes avaient réalisé des réformes agraires, démantelé les grandes propriétés terriennes (les latifundia) et encouragé la création de petites fermes. Ils avaient également amélioré les systèmes d’irrigation et construit de nouveaux aqueducs. Ils avaient introduit sur l’île l’orange, le citron, la pistache et la canne à sucre. L’île était devenue autosuffisante d’un point de vue alimentaire et exportait même des denrées vers l’Afrique du nord. La Sicile était également une grande région productrice de textiles. Elle était un carrefour et entretenait des relations commerciales avec l’Orient, l’Afrique et les républiques maritimes de la péninsule italienne (Amalfi, Naples, Gaète, Venise).
Palerme, la capitale de l’émirat, aurait compté sous les Kalbites 350 000 habitants, ce qui en aurait fait une des villes les plus importantes d’Europe, la deuxième derrière Cordoue, la capitale du califat ibérique, qui en aurait compté 450 000. En 970, le marchand, voyageur et géographe originaire de Bagdad Ibn Hawqal visita Palerme qu’il décrivit comme la cité des 300 mosquées. Il ne s’agit bien sûr que d’une expression imagée indiquant le grand nombre; et il est probable qu’à cette époque-là, aucune ville européenne, musulmane ou chrétienne, n’atteint les 100 000 habitants – les économies locales étant totalement incapables de subvenir aux besoins journaliers de populations aussi considérables.
La cour kalbite accueillit de nombreux savants, juristes, poètes et linguistes. Les conquêtes de Georges Maniakès en Sicile entre 1038 et 1040.
L’apogée de l’émirat kalbite fut atteint en 982, date à laquelle l’armée musulmane de Sicile vainquit l’armée impériale envoyée par l’empereur Othon II à la bataille de Stilo, près de Crotone en Calabre. Bien que l’émir Abû-l-Qasim `Alî ibn Hasan trouvât la mort dans cette bataille, un grand nombre d’impériaux furent tués, comme Landolphe IV, prince de Bénévent, Henri Ier d’Augsbourg, le margrave Gunther de Merseburg, l’abbé de Fulda et plusieurs princes d’empire. Othon II dut fuir à la nage et trouva refuge sur un navire grec.
Cependant, après cette bataille, le déclin des Kalbites commença. En effet, si l’éloignement des califes fatimides, qui avaient transporté leur capitale de Madhia au Caire en 973, ville fondée après la conquête de l’Égypte en 969, favorisa une plus grande indépendance, elle rendit également la dynastie sicilienne, qui tirait précisément la légitimité de son pouvoir des Fatimides, plus isolée. Des soulèvements de partisans des Byzantins ou des Zirides d’Afrique du nord ne tardèrent pas à éclater.
L’autorité de l’émir Dja `far II ibn Yûsuf fut contestée en 1015 par son frère Ali, qui réunit une armée de Berbères et d’esclaves Noirs et tenta de le renverser. Cette tentative échoua et Ali fut pris et exécuté. En 1019, Palerme se révolta contre les Kalbites. L’ancien émir Yûsuf, qui avait abandonné en 998 le pouvoir après une attaque qui l’avait rendu incapable pour le donner à son fils Dja `far, démit celui-ci pour confier le gouvernement à son autre fils Ahmad, jugé plus capable de mater le soulèvement. Une quinzaine d’années plus tard, en 1035, une révolte menée par un ziride, `Abd Allâh Abû Hafs, éclata contre ce dernier. Ahmad fut vaincu et tué en 1037. Le siège de Messine par les Arabes en 1040.
L’année suivante en 1038, une armée byzantine, composée de Grecs et de 300 mercenaires normands, commandée par le général Georges Maniakès, qui entendait profiter de ces troubles, tenta de reprendre la Sicile aux Musulmans. Elle prit un certain nombre de villes sur la côte orientale et Syracuse tomba en 1040. Cette même année 1040, Katakalôn Kékauménos défendit avec succès la ville de Messine, assiégée par les Arabes. Cependant, les Byzantins durent se retirer en 1042.
Cet épisode précipita la chute des Kalbites. Le dernier représentant de la dynastie, Hasan II as-Samsâm ibn Yûsuf, qui avait repris le pouvoir en 1040, dut malgré la reconquête de la côte orientale de l’île en 1042, quitter la Sicile en 1044, contesté de toutes parts par les princes locaux, les caïds (qā’id), qui régnaient en maîtres sur leurs territoires. Il mourut en exil en 1053.
Après le départ en 1044 du dernier émir de la dynastie des Kalbites, la Sicile était divisée en quatre caïdats. Aucun des caïds n’usurpa le titre d’émir, mais de fait chacun d’entre eux exerça sur son territoire une souveraineté absolue. Les quatre caïdats étaient les suivants :
En 1065 le fils de l’émir ziride de l’Ifriqiya, Ayyûb ibn Tamîm, était devenu le maître d’à peu près toute la Sicile. Il avait hérité en 1062 de Syracuse d’ath-Thumna (tué cette année-là dans une bataille contre les Normands), ainsi que Palerme et Catane, que ce dernier avait lui-même reçu d’Ibn al-Maklatî en 1061. Il ajouta à ses possessions les caïdats de Trapani et de Girgenti en 1065.
En 1068, après le retrait d’Ayyûb, deux caïds se partagèrent ce qui restait de la Sicile musulmane. Ibn `Abbâd, appelé Benavert dans les chroniques occidentales, établit sa capitale à Syracuse. Un certain Hammûd régnait quant à lui à Castrogiovanni (actuelle ville de Enna).
Roger Ier de Sicile à la bataille de Cerami en 1063, œuvre de Prosper Lafaye, Salles des Croisades du château de Versailles.
Ces divisions au sein de l’émirat encouragèrent les ambitions des Normands du sud de l’Italie.
En février 1061, Robert Guiscard et son frère Roger débarquèrent en Sicile, avec la bénédiction du pape Nicolas II, et prirent la ville de Messine. La conquête de l’île fut longue et difficile du fait du petit nombre des troupes normandes – rarement plus d’un millier d’hommes. Ce qui confirme d’ailleurs la faible population musulmane de l’île : comment 1000 hommes auraient-ils pu conquérir Palerme, si celle-ci avait compté 300 000 habitants ? Cependant, les Normands bénéficièrent des divisions des musulmans et du soutien de la population insulaire chrétienne. La conquête de la Sicile fut dévolue plus particulièrement à Roger, désireux de s’y tailler un fief. Il tua dans une bataille le caïd de Syracuse, Palerme et Catane Muhammad ibn Ibrâhim ath-Thumna en 1062 et obtint cette même année le titre de comte de Sicile. L’année suivante à la bataille de Cerami, une petite troupe de chevaliers et de fantassins normands défit une armée musulmane beaucoup plus nombreuse. Cette même année 1063 a lieu le sac de Palerme, sous la direction de l’amiral pisan Giovanni Orlando et avec l’appui terrestre de Roger. En 1068, les Normands furent à nouveau vainqueurs contre les Arabes, à la bataille de Misilmeri. Cette victoire ouvrit le chemin de Palerme et permit d’envisager la conquête de l’ouest de la Sicile.
L’ancienne capitale des gouverneurs et des émirs de Sicile, Palerme, fut prise par le comte Roger en 1072, après 241 années de domination musulmane. Cet évènement ouvrit la voie à la conquête de la totalité de l’île. En 1077, Trapani fut prise à son tour par Roger et son fils Jourdain, puis Taormine en 1079.
Cependant, le caïd de Syracuse, Ibn `Abbâd Benavert, menait une résistance acharnée et en 1081 vainquit le gouverneur de Catane, un musulman converti au christianisme. En 1086, il s’opposa en personne au comte de Sicile devant Syracuse, son fief assiégé. Mais, le 25 mai, il mourut accidentellement. Couvert d’une lourde armure, il chuta et tomba à l’eau, coulant à pic à cause du poids de celle-ci. Syracuse finit par tomber en octobre.
Après cet évènement, le caïd de Castrogiovanni, Hammûd, se soumit à Roger et se convertit au christianisme. Le comte normand lui donna de vastes fiefs en Calabre. La conquête de l’île fut achevée en 1091 avec la prise de Noto, ville où s’étaient réfugiés la veuve et le fils de Benavert. La puissance musulmane en Sicile avait définitivement disparu.
Une famille de hobereaux normands (les fils de Tancrède de Hauteville) ayant conquis des terres en Italie méridionale, le pape chargea le plus jeune, Roger, d’envahir la Sicile pour la reconvertir au catholicisme, et lui accorda la souveraineté sur les terres à prendre. La conquête normande de l’île se fit en une trentaine d’années (1060–1090). Le fils de Roger Ier parvint à faire ériger l’île en royaume féodal en 1130. Roger II, admirateur de la culture musulmane, poursuivit la politique de tolérance de ses prédécesseurs. L’administration des rois normands était cosmopolite : elle rassemblait des Grecs, des Lombards, des Anglais et des Arabes. Ce syncrétisme se retrouve dans l’art de cette époque qui combine les apports romans, islamiques et grecs. L’île connut une période de prospérité, notamment dans l’agriculture.
Article détaillé : Conquête normande de l’Italie du Sud.
L’histoire normande en Italie méridionale commence au début du xie siècle avec Rainulf Drengot aventurier et mercenaire devenu vers 1030 comte d’Aversa en Campanie. Le suivit vers 1035 Guillaume Bras-de-Fer, premier des frères Hauteville qui allaient marquer de leur empreinte la région.
En 1059, l’un des frères de Guillaume Bras-de-Fer, Robert Guiscard, fait un pacte avec le pape Nicolas II dans lequel il se déclare formellement son vassal, obtenant en échange le titre de duc d’Apulie, de Calabre et de Sicile, auxquels il faut ajouter aussi l’actuelle Basilicate et une partie de la Campanie et du Molise actuel. Les Normands réussissent très vite à supplanter la noblesse locale, d’origine lombarde, à éliminer la présence byzantine du sud de l’Italie (1071), et se consacrent alors à conquérir la Sicile, alors entre les mains des musulmans. La Sicile est progressivement conquise entre 1060 à 1091 par Robert Guiscard et son frère Roger, qui sera le premier comte normand de l’île. En 1130, l’antipape Anaclet II, alors maître de Rome, investit le fils de ce dernier, Roger II, roi de Sicile et devient son suzerain, ce qui posera un problème politique quand les Hohenstaufen prendront le pouvoir dans le royaume de Sicile, en échange de son soutien contre Innocent II. Par la suite, Innocent II, ayant réussi à réunir des soutiens en Europe, pousse l’empereur Lothaire III à attaquer la Sicile. Bien que progressant rapidement par la défection de nombreux vassaux, ce dernier finit par abandonner, non sans avoir perdu les faveurs du pape, et meurt en traversant les Alpes en 1137. Roger reconquit rapidement les territoires perdus, et son fils, ayant capturé le pape en tendant une embuscade à son armée à Galluccio, il le contraint à la paix de Mignano qui reconnaît les titres de Roger, même s’il faudra attendre 1156 et le traité de Bénévent pour que la papauté se résigne réellement à cette situation.
Les règnes de Roger II (1130-1154) et de son fils et successeur Guillaume Ier (1154-1166) seront consacrés à agrandir leur royaume, notamment en Ifriqiya (autour de Mahdia)1 ou en attaquant l’Empire byzantin, mais avant tout à mater les révoltes incessantes de leurs vassaux ; il faudra en effet attendre la fin de la régence du jeune roi Guillaume II (1166-1171) pour voir celles-ci disparaître. Son règne (1166-1189) est marqué par un rapprochement avec le pape et l’empereur germanique, par le biais d’un mariage entre sa tante Constance et le fils de l’empereur, le futur Henri VI. Les terres d’Afrique perdues, il se tourne vers l’Égypte de Saladin sans succès, puis vers l’Empire Byzantin à la mort de Manuel Comnène, où ses succès lui font menacer Constantinople même avant de faire la paix en 1189. C’est surtout sous le règne de Guillaume Ier et de Guillaume II que seront effectuées en Sicile des traductions de textes grecs fondamentaux par Henri Aristippe, qui participent au mouvement de traduction d’œuvres scientifiques et philosophiques grecques et arabes du xiie siècle, dans le cadre de la Renaissance du xiie siècle.
Guillaume II mourant en 1189 sans enfant légitime, les prétendants au trône sont Tancrède de Lecce, bâtard du duc Roger III d’Apulie (un des fils du roi Roger II), Roger d’Andria, noble normand prétendant descendre des Hauteville, et l’empereur Henri VI par le biais de son mariage. C’est ce dernier qui triomphera en 1194 et monta sur le trône sicilien, mettant un terme à la période normande du royaume.
Le trône passa ensuite, par héritage, à la dynastie germanique des Hohenstaufen qui gouverna la région à partir de 1194 et adopta Palerme comme capitale en 1220. C’est par son mariage avec la fille de Roger II que l’empereur Henri VI établit sa souveraineté sur la Sicile. Son fils, l’empereur Frédéric II, passera l’essentiel de son existence dans l’île.
Des conflits entre les Hohenstaufen et la papauté provoquèrent en 1266 la conquête de l’île par Charles Ier, comte d’Anjou et frère du roi de France Louis IX. Celui-ci mécontente les Siciliens en s’installant à Naples et en distribuant des fiefs à des Français. Le 30 mars 1282, le jour de Pâques, des émeutes, les Vêpres siciliennes, provoquées par des taxes excessives et exploitées par Pierre III d’Aragon et Michel VIII Paléologue, provoquèrent le massacre des Français de Sicile puis la conquête de l’île par le roi catalan Pierre III d’Aragon.
La fin du Moyen Âge est une période de crise pour la Sicile : la peste noire dépeuple la région et les luttes de la noblesse créent un climat négatif. L’Inquisition est instaurée en 1487.
Castiglione di Sicilia.
La période espagnole est marquée par un relatif déclin de la Sicile. La société est dominée par une aristocratie et une Église qui disposent d’importants privilèges.
Pendant la période révolutionnaire, la Sicile reste aux mains du Bourbon Ferdinand III de Sicile (1759-1816), grâce à la protection britannique alors que les Français sont installés au sud de la péninsule italienne. Les tentatives de réformes aboutissent à la Constitution de 1812 et à l’abolition des privilèges féodaux. Une petite bourgeoisie commence à se former. Mais ces efforts sont anéantis par le retour des Bourbons qui unifièrent les deux royaumes et s’installèrent à Naples. À partir de cette date, plusieurs mouvements de révolte contre la politique réactionnaire des Bourbons (refus d’instituer un gouvernement constitutionnel) échouent. En 1820, les révolutionnaires de Palerme demandent l’autonomie de l’île. La révolution de 1848 est agraire et particulariste.
Après le débarquement de Giuseppe Garibaldi, la Sicile approuve, le 12 octobre 1860, un très contesté plébiscite d’annexion à l’État piémontais — le vote se fait sous la menace de l’armée d’occupation et n’était pas secret. L’année suivante, le 17 mars 1861, l’État piémontais changea son nom en royaume d’Italie et la Sicile devint une partie de l’Italie.
En Sicile et dans le Sud de l’Italie une vaste guérilla populaire (le Brigantaggio (it)) de résistance contre les Piémontais et le nouvel État italien, qui dura plus de 10 ans, donna lieu à une violente répression militaire menée par l’armée italienne. Elle causa dans les premières années des centaines de milliers de morts civils, des milliers de déportés, la destruction de nombreux villages, l’effondrement économique de toutes les régions du Sud et une énorme vague d’émigration sans précédents dans l’histoire de l’île, qui porta des millions de Siciliens à l’étranger.
Avant l’union avec l’Italie, la Sicile a été une des régions les plus riches et développées d’Italie. Palerme et la Conca d’Oro s’enrichissent avec l’exportation d’agrumes, en particulier de citron, et un certain développement industriel et économique voit le jour, soutenu par les deux grandes familles de Palerme, les Florio, représentés à partir de 1891 par Ignazio Florio Jr., l’une des plus grosses fortunes d’Italie, et de l’autre côté par les Whitaker (it), propriétaires de la villa qui deviendra le Grand Hôtel et des Palmes, où Wagner acheva à l’hiver 1881–1882 son dernier opéra, Parsifal. L’influence des Florio est telle que la presse désigne Palerme sous le nom de « Floriopolis », tandis que la haute société européenne de la Belle Époque afflue dans la ville admirer son opulence.
Mais après, la Sicile et tout le sud d’Italie furent ravagés, au profit du Nord, où se créèrent de grandes zones industrielles et urbaines. Les historiens situent la naissance des réseaux de crime organisé à partir de la fin du xixe siècle, puis leur influence s’étendit partout dans le monde. La mafia fut réprimée au début de l’ère fasciste, mais cela cessa lors des années 1930. Après la Seconde Guerre mondiale, elle profita du débarquement allié en 1943, du marché noir puis de la reconstruction pour opérer une renaissance et se lier à la mafia italo-américaine dans le marché de l’héroïne.
Depuis 1946, la Sicile est une région autonome et a bénéficié de la réforme agraire partielle de 1950–1962, des subsides spéciaux provenant de la Cassa per il Mezzogiorno, du fonds du gouvernement italien pour les régions du Sud, ainsi que plus récemment des aides européennes (objectif I).
Un des plus gros enjeux pour la Sicile est celui de la lutte contre la mafia (alias Cosa Nostra), organisation criminelle socialement enracinée et qui use de son pouvoir à travers tout un réseau clientéliste. Elle s’est distinguée dans les années 1950–1960 par le sac de Palerme. De la fin des années 1970 au début des années 1990, sous la direction du parrain Toto Riina, Cosa Nostra a mené une véritable guerre contre l’État italien, multipliant les assassinats de politiciens, de journalistes, de policiers et de magistrats (en particulier les juges Giovanni Falcone et Paolo Borsellino en 1992). Si la Mafia se fait depuis plus discrète, elle continue de racketter les entreprises par le pizzo et noyaute l’économie à travers de multiples appels d’offres truqués, formant un véritable obstacle au développement de la région.
Par ailleurs, l’île de Lampedusa attire régulièrement l’attention des médias par les boat-people sans-papiers qui y débarquent ou y sont débarqués, puis enfermés dans des centres de détention avant d’être expulsés ou invités à rejoindre le continent et bénéficier d’un statut de réfugié.
L’Etna.
La Sicile dispose d’un très riche patrimoine culturel, héritage de son histoire aux multiples influences. Dans l’Odyssée la Sicile s’appelle l’île du soleil.
Syracuse : fontaine d’Aréthuse.
De nombreuses légendes ont pour cadre la Sicile :
L’ancien Carnival d’Acireale.
Charybde et Scylla : deux monstres du détroit de Messine, ils menacent l’expédition des Argonautes et l’équipage d’Ulysse.
Le drapeau sicilien, communément appelé Trinacria.
Héraldique régional.
Le drapeau et l’héraldique de la Région Sicile est un quadrilatère comportant les deux couleurs jaune et rouge, limités par une diagonale reliant le coin haut à gauche à celui du bas à droite, avec au centre un Triskèle et le Gorgoneion.
Le drapeau est présent, selon la loi régionale no 1 du 200022, dans tous les bâtiments publics régionaux.
L’hymne Madreterra (it) a été composé par Vincenzo Spampinato (it) et a été joué pour la première fois par l’Orchestre symphonique sicilienne (it), l’hymne en 2003. Il s’agit du premier hymne officiel adopté par une région autonome italienne23.
L’hymne a été source de polémiques vu la décision d’écrire le texte officiel en langue italienne au lieu de celle sicilienne.
Néanmoins une version en langue sicilienne a été aussi écrite24.
En 2006, le produit intérieur brut (PIB) de la Sicile atteint 82 938,6 millions d’euros, et le PIB/habitant est de 16 531,50 euros. Le nombre d’entreprises s’élève à 234 623. L’économie est majoritairement tertiaire, avec un certain développement de l’agriculture et une faible industrialisation. La région souffre comme l’ensemble du Mezzogiorno d’un retard économique, d’un fort taux de chômage (environ 20 % des actifs), ainsi que de l’infiltration mafieuse.
Le tableau indique le PIL (PIB en italien) et le PIL par habitant25 en Sicile de 2000 à 2009:
Le tableau indique le PIB25, de la Sicile aux prix courants du marché en 2006, exprimé en millions d’euros rapporté aux principales activités économiques :
le volcan Etna a aussi deux stations de sport d’hiver.
C’est un des secteurs majeurs de l’économie sicilienne. L’île est en effet dotée d’une offre touristique importante et variée, alliant entre autres tourisme balnéaire (Cefalù, Taormine), naturel (Etna) et culturel (Palerme, Agrigente, Noto…).
Scène de marché à Palerme.
L’agriculture tient une place importante dans l’économie régionale (l’agriculture emploie 10 % des actifs, contre 4,1 % au niveau national27). L’île a des terres riches et fertiles (volcaniques et/ou argilo-calcaires). L’agriculture (vin, huile d’olive, légumes, blé, amandes, grenades, agrumes, en particulier les citrons, les mandarines telles celles de Croceverde Giardini, ou encore la bergamote et le papyrus), secteur représentant 10 % des actifs, garde un poids déterminant dans l’économie sicilienne. Près de 1 734 200 hectares de terre sont cultivés soit 67 % de la superficie de l’île. Les légumes et les primeurs sont les cultures à plus haute valeur ajoutée. Actuellement, Syracuse est le seul endroit en Europe où l’on peut trouver du papyrus à l’égyptienne.
La pêche tient également une place importante dans les localités maritimes. La pêche au thon est une des activités majeures.
L’espadon est l’un des mets préférés des Siciliens. Quelques villages pratiquent encore la pêche traditionnelle (appelée chasse) dans le détroit de Messine27.
La Sicile a plus de vignobles que n’importe quelle autre région d’Italie. Les vins les plus connus sont ceux produits près de Noto et de Marsala. Dans le premier cas il s’agit du Nero d’Avola, dans le second cas il s’agit du Grillo (Marsala (DOC)).
La Sicile n’est pas une région fortement industrielle, bien que des mines de soufre aient été fortement exploitées à la fin du xixe siècle. L’installation d’usines s’est faite sous l’impulsion de politiques étatiques, à travers la « Caisse pour le Mezzogiorno ». Le résultat de ces politiques a été la création de véritables « cathédrales dans le désert », tel le pôle pétrochimique de Syracuse. L’industrie extractive est présente à travers les gisements de pétrole et de gaz naturel dans le sud-est de l’île. Au total, l’industrie participe au produit intérieur brut de la Sicile presque autant que l’agriculture.
La Sicile a longtemps souffert d’un manque d’infrastructures.
Il existe deux grands aéroports (aéroport de Palerme pour l’ouest, aéroport de Catane pour l’est) qui assurent des liaisons vers le reste de l’Italie et vers l’international.
Les transports maritimes sont très développés, notamment en raison de l’insularité. Le port de Messine, à 3 km de la Calabre, permet de relier l’Italie continentale par des navettes, et permet des liaisons entre les réseaux routiers et ferrés des deux côtés du détroit de Messine. Le trafic passager et commercial vers le reste de l’Italie existe à travers les principaux ports de l’île.
Le réseau routier se compose des autoroutes A18 (Messine-Catane, bientôt prolongée jusque Syracuse et Gela), A19 (Palerme-Catane), A20 (Messine-Palerme), A29(Palerme-Trapani/Mazara del Vallo). De nombreux axes secondaires structurent le territoire.
Le réseau ferré assure des liaisons entre les principales villes. Toutefois, le trafic des trains est assez lent.
Des autoroutes ont récemment été construites et agrandies au cours des quatre dernières décennies. Les plus importants sont les autoroutes (autostrada) qui traversent la partie nord de l’île. Une grande partie du réseau autoroutier est élevée et desservie par des viaducs en raison du relief montagneux de l’île28,29,30,31. D’autres routes principales sont les Strade Statali comme la SS.113 qui relie Trapani à Messine (via Palerme), la SS.114, Messine-Syracuse (via Catane) et la SS.115, Syracuse-Trapani (via Raguse, Gela et Agrigente).
Un pont suspendu de 5 300 mètres entre la Sicile et la péninsule italienne a été mis en projet par le gouvernement italien, le pont de Messine. La décision de construire le pont, sous l’impulsion de la droite de Silvio Berlusconi, est très contestée par certains milieux politiques de gauche, et le gouvernement de Romano Prodi l’a suspendu en 2006. Le projet, sans cesse reporté, reste depuis soumis aux aléas politiques32.
Au 31 décembre 2015, il y a 183 192 résidents étrangers dans la région (3,61 % de la population totale). Les groupes de plus de 2 000 ressortissants sont33 :
La langue officielle parlée en Sicile est l’italien. Une grande partie de la population locale parle aussi le sicilien, reconnue comme langue par l’UNESCO et l’Union européenne mais qui ne bénéficie d’aucune forme de protection ni par la Région sicilienne ni par l’État italien34.
Le sicilien est considéré comme langue régionale en vertu de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. L’article no 1 affirme que les « langues régionales ou minoritaires comprennent les langues qui ne sont pas des dialectes de la langue officielle de l’État ». La Charte européenne des langues régionales ou minoritaires a été approuvée le 25 juin 1992, et ses preceptes sont entrés en vigueur le 1er mars 1998. L’Italie a signé la charte le 27 juin 2000, mais elle ne l’a pas encore ratifiée.
Sur l’île il y a quelques minorités ethno-linguistiques : la minorité albanaise, appelée Arbëresh, dans la province de Palerme, qui elle est considérée par la loi nationale de 199935 et protégée par la loi régionale de 199836 ; la minorité gallo-italique de la Lombardie sicilienne et celle grecque de Messine37,38.
Le rapport établi par Legambiente et il Sole 24 Ore39 sur l’écosystème urbain sur la qualité écologique des chefs-lieux italiens prend en compte la fiabilité du système du transport urbain, de la surface verte par habitant, l’efficacité du réseau de l’eau, la qualité de l’air, des pistes cyclables, de la quantité des eaux retraitées, de la diffusion des énergies renouvelables, de la gestion des déchets et du tri sélectif.
Les données pour la Sicile classent ses chefs-lieux dans le fond des classements nationaux :
Données de 201239
Le terme mafia ou Cosa Nostra se référait d’ailleurs à l’origine uniquement de l’organisation criminelle sicilienne. Aujourd’hui, cependant, le terme mafia est également associée avec d’autres organisations mafieuses comme la Camorra napolitaine, la N’drangheta en Calabre, la Sacra Corona Unita des Pouilles. Ses origines, selon la recherche historique, date du début du xixe siècle et sont placés par rapport à l’ancien phénomène de banditisme. Toutefois, il convient de souligner que cette affirmation est peu partagée ; une bonne partie des chercheurs situent la naissance du phénomène au xvie siècle, lorsque dans diverses parties de l’Italie se sont formées des organisations criminelles du type de celle évoquée par Alessandro Manzoni dans son chef-d’œuvre Les Fiancés (le « bon » Don Rodrigo). À tort ou à raison, sa naissance remonte au début du xixe siècle, lorsque les gardiens géraient quotidiennement les terrains de la noblesse sicilienne et les tâcherons qui y travaillaient. Il s’agissait des gens violents, intermédiaires entre les propriétaires féodaux et les tâcherons, souvent dans les conditions similaires à celles des serfs de la glèbe qui, pour mieux exercer leur travail, s’entouraient de gardiens à leur solde, d’où la logique hiérarchique qui existe encore aujourd’hui40.
À partir des années 1950, la mafia se rapproche étroitement de la politique: depuis Vito Ciancimino, des représentants de la politique sicilienne ont été reconnus comme complices. Les guerres internes se sont produites : la première guerre de la mafia (en 1962) et la deuxième guerre (en 1978)
La période entre les années 1980 et 1990 voit de nombreux homicides, assassinats et attentats : Capaci41, via d’Amelio, via Georgofili… La lutte contre la mafia s’organise avec comme résultat le « maxiprocesso » (maxi-procès) de Palerme42. Giovanni Falcone et Paolo Borsellino qui mènent la lutte contre les noyaux d’adhérents à la mafia sont tués en 1992, après d’autres meurtres, comme ceux de Cesare Terranova, Carlo Alberto Dalla Chiesa, Antonino Saetta (it), Rosario Livatino et Ninni Cassarà (it). Après une accalmie, suivent les arrestations de parrains comme Totò Riina, en 2006, celle d’un chef historique de la mafia Bernardo Provenzano et, en 2007, l’arrestation de Salvatore Lo Piccolo, son successeur.
Les experts de l’antimafia estiment que Matteo Messina Denaro est le successeur de Lo Piccolo et Provenzano au sommet de Cosa Nostra43.
La Sicile a le statut de région autonome d’Italie. Elle dispose de ce fait de pouvoirs plus étendus que les autres régions45,46,47 et aussi réglemente directement les municipalités de l’île48.
Politiquement, la région est marquée par le vote catholique centriste. Bastion de la Démocratie chrétienne jusqu’au début des années 1990, la Sicile vote désormais traditionnellement à droite.
Voyage Pittoresque des Isles de Sicile, de Malte et de Lipari [archive] disponible sur Gallica, de Jean-Pierre Houël, qu’il publia de 1782 à 1787 (4 volumes in-folio). Pour l’illustrer, il grava des planches inspirées de ses dessins.
© 2024 Culture et Voyages
Thème par Anders Norén