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Les Moines Peintres

« Quatre Moines » et « Quatre Wang »

Durant le règne de l’empereur Shun Zhi (1644-1661) jusqu’au début du règne de Kangxi (1662-1722) de la dynastie des Qing, les peintres érudits atteignirent le sommet de la popularité et formèrent deux directions distinctes de la poursuite artistique. Les « quatre Wang » suivirent le style de Dong Qichang en continuant de copier les peintures anciennes, et furent appréciés et favorisés par la cour impériale. Ils constituaient l’école orthodoxe. Une autre école de pensée représentée par quatre moines et les huit maitres de Jinling et Xin’an, était formée de plusieurs peintres de la dynastie précédente des Ming qui s’en étaient allés au sud. Ils avaient l’esprit d’exploration et d’innovation et se servaient de leurs paysages pour exprimer leurs sentiments personnels et leurs idées politiques.

Les « quatre moines » étaient Zhu Da, Shi Tao, Shi Xi et Hongren. À la fin des Ming, les Mandchous établirent à Beijing la dynastie des Qing unifiée, une répétition de l’histoire de la fin des Song du Sud au début des Yuan. Zhu Da et Shi Tao étaient des descendants de la famille impériale des Ming et Shi Xi et Hongren se considéraient comme des sujets de la dynastie des Ming. Avec un profond nationalisme, tous les quatre utilisèrent leur pinceau pour exprimer leurs sentiments et leur loyauté à la dynastie déchue des Ming. Dans le domaine de l’art, ils insistèrent sur l’innovation dans la continuité et rejetèrent l’imitation aveugle. Ils mirent l’accent sur l’importance des expériences de la vie et accordèrent une attention particulière à l’inspiration individuelle. Finalement, ils traversèrent la barrière virtuelle de la copie des peintures historiques et créèrent une nouvelle ère de peinture au style net et unique. Ils ne firent pas qu’injecter de la vigueur dans le monde stagnant de la peinture de l’époque, mais influencèrent aussi les générations postérieures. Parmi eux, Zhu Da et Shi Tao apportèrent la contribution la plus importante.

« Quatre moines » et « Quatre Wang », La Peinture Chinoise des Érudits"
Arbre mort et oiseau-pêcheur (149,5 cm x 70 cm) de Shi Tao. Musée du Palais impérial de Beijing.

Zhu Da (1626-1705), aussi appelé Bada Shanren, descendait de la famille impériale précédente et grandit dans une famille de lettrés. Après la chute des Ming, il devint un bonze bouddhiste et plus tard, un prêtre taoïste, ce qui multiplia ses noms dont les plus significatifs étaient Bada Shanren, Xue Ge, Ge Shan, Yige Shan, Liang Yue et Dao Lang. II a toujours exprimé ses émotions à travers le symbolisme, la connotation et l’exagération de la peinture. Il a souvent peint des sujets bizarres pour exprimer son cynisme et sa tristesse concernant la chute des Ming. Il utilisait un trait simple mais solide, des modèles ordinaires, des images fabuleuses, un ton froid et un style concis. Son style de paysage vient de Dong Yuan et est modelé sur le style incisif et élégant au pinceau humide de Dong Qichang. Influencées par Lin Liang et Xu Wei de la dynastie des Ming, ses peintures de fleurs-et-oiseaux dévoilent son propre style. Sur une feuille de papier, il peignait simplement un oiseau ou un poisson ou une fleur pour créer une impression de mystère. Bada Shanren incorporait aussi sa calligraphie dans ses œuvres, non seulement dans ses peintures mais tout autour de l’image. Alors, son modèle de peinture était basé sur son contrôle de la pensée abstraite. Il pouvait utiliser l’encre pour exprimer virtuellement toutes les choses de la nature. Il semble que pour lui les oiseaux, les fleurs et les montagnes étaient tous blancs et noirs. Il refusait de recourir à la couleur. Pour lui, la couleur était une sorte de dérangement. Le puissant symbolisme de ses œuvres indique ses sentiments extrêmes, comme ses malédictions, sa fuite de la réalité et son deuil de la dynastie des Ming.

Shi Tao était aussi un descendant de la famille impériale précédente et échangeait souvent des lettres avec Zhu Da. Ils coopéraient en peinture mais ne se rencontrèrent jamais. Ils avaient la même réputation et s’appréciaient mutuellement. Shi Tao (1642-1707), surnommé Zhu, porta le nom de Yuan Ji après être devenu moine. Il était également connu sous les noms de Kugua Heshang et Dadizi. Comme pour Zhu Da, les souffrances apportées par le renversement des Ming et ses tragiques expériences personnelles occupèrent toujours un espace important dans le cœur de ce descendant impérial. Il ne pouvait exprimer ses émotions qu’en peinture. Les paysages de Shi Tao subissaient l’influence de divers peintres mais avaient un style unique d’images rafraîchissantes et de composition nouvelle et nette. Le travail de son pinceau se transformait souvent en impressionnantes mais élégantes images. Son expérience du voyage dans divers endroits contribua largement à son art. Il affirma qu’il recréerait en peinture toutes les montagnes visitées. Il montra un profond mépris de la tradition. Ses peintures, peu importe le nuage du mont Huangshan, une ville d’eau du sud, les saules en automne, les pins des falaises abruptes ou les images du mont Lushan et les scènes de Huanyin et Yangzhou ou Changshan, étaient toutes des reconstructions de l’apparence naturelle originale. Après Dong Qichang, copier les peintures anciennes était devenu une mode et les peintres comme Shi Tao, qui peignaient directement de la nature, étaient très rares.

Aujourd’hui, il existe encore plusieurs œuvres de Shi Tao dont :

Voix des monts et des eaux (Shanshui Qingyin), Album de peintures élégantes du jardin de l’Ouest (Xiyuan Yaji tu), Automne de Huaiyin et Yangzhou (Huaiyang fieqiu tu), Album des huit merveilles du mont Huangshan (Huangshan Basheng ce), Images de la visite au mont Lushan (Lushan Youlan tu) et Regardant les montagnes de Yuhang (Yuhang Kanshan tu).

Shi Xi (dates inconnues, nom en religion Kun Can) et Hong Ren (1610-1661, nom religieux Jianjiang Heshang), étaient connus comme deux « moines peintres ». Ils se considéraient comme des sujets de la dynastie des Ming. Ils avaient moins de ressentiment et une attitude plus détachée que Zhu Da et Shi Tao. Le style de Shi Xi était modelé sur celui de Wang Meng et Huang Gongwang. Il effectuait ses paysages à partir de scènes réelles. Avec la texturisation, ses œuvres étaient généreuses mais non rigides, magnifiques avec leur large éventail de vues. Hong Ren suivit le style Ni Zan. Il peignait souvent des monts célèbres, surtout Huangshan, et était un représentant de la « famille Xin’an ».

« Quatre moines » et « Quatre Wang », La Peinture Chinoise des Érudits"

Esquisse suivant la visite de diverses montagnes fantastiques (42,8 cm x 258,5 cm) de Shi Tao Musée du Palais impénal de Beijing

Tout comme les « quatre maitres de la dynastie des Yuan », universellement respectés au cours des dynasties des Ming et des Qing, les « quatre moines » de la fin des Ming et du début des Qing et leurs styles étaient hautement appréciés par les artistes et collectionneurs de l’époque. L’historien de l’art Wang Bomin disait des « quatre moines » que « leurs peintures consistaient en une intense atmosphère bouddhiste et taoïste ». Ils combinaient souvent leurs différentes émotions comme la tristesse et le ressentiment dans leurs œuvres. En général, leurs peintures étaient simples. Dans l’histoire, les confucéens appréciaient un style simple et préféraient la tranquillité. Comme l’indique le vieux dicton, « le jade blanc non poli ni gravé n’a pas de valeur ». En ce qui concerne leurs différences particulières en peinture, Hong Ren remporte la palme pour son élégance et son absence de conventionnel ; Kun Can pour son style honnête et régulier ; Bada Shanren pour son charme romantique et sa simplicité ; et Shi Tao pour sa netteté et sa liberté. Durant une période où la plupart des peintres ne songeaient qu’à copier les peintures anciennes, ils brisèrent la tendance et montrèrent au monde leurs peintures uniques, ce qui est vraiment inhabituel dans l’histoire.

Les « quatre Wang » désignent Wang Shimin (1592-1680), Xun Zhi en art et aussi appelé Yan Ke et Luxi Laoren, né à Taicang, dans la province du Jiangsu ; Wang Jian (1598-1677), aussi appelé Xiang Bi et Ranxiang Anzhu, également né à Taicang) ; Wang Hui (1632-1717) dont le pseudonyme est Shigu et connu sous le nom de Geng Yan San Ren, né à Changshu, au Jiangsu ; et Wang Yuanqi (1642-1715) ou Mao Jing en art mais également connu comme Lu Tai. Avec Wu Li et Yun Ge (1633-1690), Shou Ping en art et appelé aussi Nan Tian, né à Changzhou au Jiangsu, ils formaient ce qu’on appelait « les quatre Wang et Wu et Yun » ou les « Six Maitres du début de la dynastie des Qing ». Tous reconnaissaient la théorie de Dong Qichang comme loi infaillible et se vouèrent à la copie des peintures anciennes. Ils accordaient beaucoup d’importance au maniement du pinceau et cherchèrent un style doux. Les « quatre Wang » avaient un très haut statut social. Ils voyageaient beaucoup, et comptaient un grand nombre de disciples influents parmi les fonctionnaires. Leur style était apprécié par la cour impériale et par conséquent considéré comme l’école orthodoxe qui eut de l’influence jusqu’à l’âge moderne.

Les commentaires les plus fréquents sur les « quatre Wang » reconnaissent qu’ils avaient une base solide pour la peinture et qu’ils ont développé une composition et un rythme uniques. Toutefois, comme ils négligeaient l’observation de la nature et méprisaient l’expérience personnelle de la nature, la plupart de leurs œuvres étaient monotones et léthargiques et manquaient de nouveaux concepts et directions. Cela les empêchait d’accomplir de grandes réalisations. En fait, ce que les « quatre Wang » ont achevé fut d’élever l’étude académique des peintures anciennes à un niveau sans précédent, bien que telle étude reposât beaucoup sur les préférences personnelles. Les peintres qui intéressaient les « quatre Wang » étaient Dong Yuan et Ju Ran des Cinq Dynasties, Li Cheng, Fan Kuan, Guo Xi, Mi Fu et son fils, Zhao Boju et Wang Shen des Song du Nord et Zhao Mengfu et les « quatre maitres de la dynastie des Yuan », qui tous appartenaient à la lignée du Sud, comme l’a noté Dong Qichang. Wang Bomin a souligné que les études que faisaient les « quatre Wang » des peintures de la lignée du Sud dura plus d’un siècle et que leur pieuse attitude mérite le respect.

Tout comme les lettrés chinois valorisaient l’enseignement des sages de l’antiquité, les peintres chinois croyaient aussi que l’essence véritable des paysages devait être illustrée en un langage parfait. Souvent les peintres des Ming et des Qing écrivaient qu’ils avaient copié les peintres anciens seulement pour manifester leur modestie et leur respect de la tendance générale de l’époque. En réalité, ils n’avaient pas aveuglément suivi leurs prédécesseurs. Un exemple typique est celui de Shi Tao et de Bada Shanren, qui avaient un style très personnel, et qui écrivaient parfois sur leurs peintures qu’ils n’avaient que copié. Personne ne le croyait.

 

Kuncan

Shitao

Zhu Da

Hong Ren

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