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Le primitif flamand

Les primitifs flamandsa sont, selon une expression apparue au xixe siècle, les peintres actifs dans les anciens Pays-Bas méridionaux aux xve et xvie siècles, dans les villes florissantes de Flandres, de Brabant, du Hainaut (et une partie de la Principauté de Liège) : BrugesGandTournaiBruxelles et Anvers, bénéficiant d’une importante prospérité économique durant la période bourguignonne. L’Exposition des Primitifs flamands et d’Art ancien qui s’est tenue à Bruges en 1902 a fait le succès de ce groupe de peintres à l’origine de la Renaissance nordique.

Jan van EyckLes Époux Arnolfini 1434.

Huile sur panneau de chêne, 82cm × 60 cm. 

National Gallery, Londres

 

 

Cette période d’intense activité artistique débute approximativement avec les carrières de Robert Campin (Tournai) et de Jan Van Eyckb et se poursuit au moins jusqu’à la mort de Gérard David en 15232. La fin de cette période ne fait pas l’unanimité parmi les historiens de l’art : beaucoup considèrent qu’elle dure jusqu’à la mort de Pieter Brueghel l’Ancien en 1569, ou même jusqu’à la révolte des Gueux en 1566 ou 1568, ou encore jusqu’au début du xviie siècle. Cette période correspond à celle de la Renaissance italienne, mais elle est vue comme une culture artistique indépendante de l’humanisme qui caractérise les développements dans le centre de l’Italie3. L’art des primitifs flamands correspond à la fois à l’aboutissement de l’héritage artistique médiéval du nord de l’Europe et à une évolution vers une acceptation de l’idéal développé à la Renaissance. C’est pourquoi il est à la fois catégorisé dans la peinture de la Renaissance et dans le style gothique international.

Descente de CroixRogier van der Weydenc.1435.

Huile sur panneau de chêne, 220cm × 262 cm. 

Musée du Prado, Madrid.

 

Les plus célèbres d’entre eux étaient Jan Van EyckHans Memling et Gérard David (Bruges), Rogier Van der Weyden (Roger de la Pasture, de son vrai nom, à Tournai) et Robert Campinc (Tournai), Dieric Bouts (Louvain), Juste de Gand (Urbino), Hugo Van der Goes (Gand), Jean Provost (Mons), Henry Blès (Dinant), Joachim Patenier (Dinant, actif à Anvers), Jérôme Bosch (Bois-le-Duc) et Pieter Brueghel l’Ancien (Anvers et Bruxelles)5. Ces artistes ont réalisé d’importantes avancées dans la représentation de la nature et dans l’illusionnisme de la représentation. Leurs œuvres présentent souvent une iconographie complexe. Les sujets traités sont soit des scènes religieuses ou des portraits, soit plus rarement des peintures narratives et des sujets mythologiques. Les œuvres de cette période sont le plus souvent peintes sur bois, soit sur un panneau unique, soit sur plusieurs panneaux composant un retable plus complexe : un triptyque ou un polyptyque.

Contexte

Les villes flamandes et des régions voisines étaient des communes semi-indépendantes durant le Bas Moyen Âge, elles connaissaient à cette époque une grande prospérité économique en devenant une plaque tournante majeure du commerce européen, voyant naître les premières formes d’économie capitaliste. Cela a profité à l’essor d’une importante bourgeoisie urbaine, devenue une puissante oligarchie locale qui détenait une grande partie du pouvoir et était désireuse de se représenter et d’accéder au prestige en passant commande d’œuvres d’art. Le sud des Pays-Bas devient un centre politique et économique important en Europe, reconnus pour ses produits de luxe. Durant le xve siècle l’ensemble des Pays Bas étaient alors unifiés dans le duché de Bourgogne. Cette prospérité ne manque pas d’attirer le duc de Bourgogne et sa cour qui s’installent à Bruges (où ils feront face à l’hostilité des Flamands qui parviennent à défendre et réaffirmer l’autonomie de leurs villes, autonomie qui sera finalement garantie par les ducs), puis à Bruxelles en 1436. L’influence des ducs, devenus de puissants souverains européens, participa également au dynamisme artistique de la région. Les peintures des primitifs flamands ont souvent été exportées en Germanie et en Italie. Les peintres ont développé des ateliers pour répondre à une demande toujours plus grande. Comme pour d’autres métiers, des corporations de peintres, les guildes, sont apparues et proposaient une formation pour accéder à un statut de peintre, attirant des apprentis venant des régions voisines. Ils produisaient aussi bien pour des commandes de particuliers que pour le marché libre, la clientèle se caractérisait par sa variété : bourgeois locaux, simples artisans aisés, nobles, clercs, marchands et banquiers étrangers.

Caractéristiques

L’école des primitifs flamands introduit deux innovations majeures en peinture qui sont caractérisées comme un véritable tournant dans l’histoire de l’art européen: la peinture à l’huile et le réalisme des représentations6.

La peinture à l’huile permet d’obtenir une pureté et une luminosité des couleurs bien plus grandes que la détrempe, de rendre une ample gamme de tons et de reproduire l’effet de la transparence et des nuances en étalant de multiples couches très minces d’un mélange pigmenté appelé glacis. La plupart des supports de ces peintures sont des panneaux de bois.

Ces peintres ont en commun leur réalisme et leur naturalisme qui se manifestent par le rendu fidèle et très méticuleux des figures humaines, de leurs vêtements, des intérieurs bourgeois et sacrés qui servent de décors, des végétaux et des paysages des Pays-Bas. Ils s’inspirent directement de la nature et transposent volontairement les scènes religieuses dans le réel quotidien de leur époque.

Pour ces deux nouveautés, le retable de l’Agneau mystique de Gand, peint par les frères Hubert et Jan van Eyck, est considéré comme un chef-d’œuvre fondateur.

Contemporains des peintres italiens du Quattrocento, ils sont parfois considérés comme des peintres du gothique tardif ou au contraire de la Première Renaissance. Ils restent fidèles au style gothique dans les formes élancées des personnages ainsi que les architectures inspirées de celles du nord de l’Europe. Ils utilisent des méthodes différentes de celles des italiens pour représenter la perspective mais ils font aussi connaissance avec la perspective géométrique des Italiens.

Peintres de ce groupe

Notes et références

Notes

  1.  Celle-ci n’est pas très heureuse car, comme le fait très justement remarquer l’historien d’art Max Jakob Friedländer, la plupart des peintres de ce groupe ne sont pas d’origine flamande1.
  2.  Au début du xviie siècle, Carel van Mander considérait Van Eyck comme le « nouvel Apelle » de la peinture du nord de l’Europe.
  3.  Campin est généralement identifié au Maître de Flémalle4.

Références

  1.  Friedländer 1964p. 11.
  2.  Spronk 1996p. 7.
  3.  Janson, H.W, Janson’s History of Art : Western Tradition, New York, Prentice Hall, 2006.(ISBN 0-13-193455-4).
  4.  Lorne Campbell, « Robert Campin, the Master of Flémalle and the Master of Mérode », The Burlington Magazinevol. 116, no 860,‎ p. 634–646.
  5.  Ridderbos 2005p. 5.
  6.  Ehrenfried Kluckert, section « La peinture gothique », pages 386 à 467 dans le livre L’art gothique, Architecture, sculpture, peinture, sous la direction de Rolf Toman, éditions h.f.ullmann. 2004 (2007 pour l’édition en français). (ISBN 978-3-8331-3513-2).

Annexes

Bibliographie

  • A. J. J. DelenHistoire de la gravure dans les anciens Pays-Bas et dans les provinces belges des origines jusqu’à la fin du xviiie siècle, Paris, Librairie nationale d’art et d’histoire, .
  • Brigitte Dekeyser, Les Primitifs flamands, éditions Artoria, 1999.
  • Max Jakob FriedländerDe Van Eyck à Brueghel : Les Primitifs flamands, Paris, Julliard, .
  • (en) Bernhard Ridderbos, Anne Van Buren et Henk Van VeenEarly Netherlandish Paintings : Rediscovery, Reception and Research, Amsterdam, Amsterdam University Press (ISBN 0-89236-816-0).
  • (en) Ron Spronk, « More than Meets the Eye : An Introduction to Technical Examination of Early Netherlandish Paintings at the Fogg Art Museum »Harvard University Art Museums Bulletinvol. 5, no 1,‎ .
  • Brigitte de Patoul et Roger van SchouteLes Primitifs flamands et leur temps, Tournai, La Renaissance du livre, , 656 p. (ISBN 2-8046-0435-7).
  • Edmond de Busscher, Le Livre de la corporation des peintres et sculpteurs gantois (1338 à 1539 – 1574 à 1712)p. 292-306, Académie royale de Belgique, 1853, tome XX, partie 1 (lire en ligne) [archive].
  • Edmond de Busscher, Liste originale des doyens, jurés, franc-maîtres peintres et sculpteurs de la corporation de Gandp. 17-56, Académie royale de Belgique, 1854, tome XX (lire en ligne) [archive].
  • J. B. Descamps, La Vie des peintres flamands, allemands et hollandais, avec des portraits, tome 1, chez Charles-Antoine Jombert, Paris, 1753 (lire en ligne) [archive].
  • Jan BIAŁOSTOCKI, « L’Art du xve siècle : des Parler à Dürer », trad. Pierre-Emmanuel Dauzat, Paris, Librairie générale française, 1993.
  • Dirk De Vos, « Les Primitifs flamands : les chefs-d’œuvre : Robert Campin, Jan Van Eyck… », Anvers, Fonds Mercator, 2002.
  • Jean-Claude Frère, « Les Primitifs flamands » , Paris, P. Terrail, 2007.
  • Max Jacob Friedländer, « De Van Eyck à Brueghel : Les Primitifs flamands», Paris, Julliard, 1964.
  • Erwin Panofsky, « Les Primitifs flamands », trad. Dominique Le Bourg, Paris, Hazan, 2010.

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