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Portrait Canaletto par Giovanni Battista Piazzetta (avant 1735)

Gravure. Biographie 1697-1768

 

Giovanni Antonio Canal, dit Canaletto, est l’un des plus brillants représentants du védutisme italien, c’est-à-dire de la peinture réaliste de paysages urbains. Son père, Bernardo Canal, décorateur de théâtre à Venise, l’initie très jeune à la réalisation, l’agencement et la mise en perspective des décors. En 1719, le jeune Canaletto fait un premier séjour à Rome et découvre l’œuvre de Giovanni Pannini qui l’oriente définitivement vers le védutisme. En 1721, il revient à Venise et connaît rapidement le succès, en particulier auprès des amateurs d’art étrangers. Joseph Smith (1674-1770), consul de Grande-Bretagne à Venise, collectionneur et marchand de tableaux, lui achète de très nombreuses œuvres destinées à l’exportation vers l’Angleterre ou à la vente sur place à des voyageurs.

Canaletto. Le Grand Canal et l’Eglise de la Salute, 1730

Huile sur toile, 49,5 × 72,5 cm / Museum of Fine Arts, Houston.

En 1746, sous l’impulsion de Joseph Smith, Canaletto s’installe à Londres pour quatre ans. Ses vedute de la capitale anglaise connaîtront un succès considérable. Il fera un second séjour à Londres au début des années cinquante. Il faudra cependant attendre 1763, pour que Canaletto, peintre de génie internationalement reconnu, devienne membre de l’Académie de Venise. Il meurt à Venise en 1766.

Œuvre

La veduta (vedute au pluriel) est une représentation réaliste, aussi exacte que possible, du paysage urbain. L’objectif de fidélité se traduit par une méthode de travail à l’extérieur reposant sur l’observation et la prise de multiples croquis préparatoires. Le tableau est ensuite réalisé en atelier. L’artiste se réserve cependant une certaine liberté et il ne faut pas rechercher dans les vedute une parfaite exactitude topographique. Il s’agit de magnifier un paysage urbain. Pour les jeunes aristocrates du Grand Tour, les vedute sont des souvenirs qu’ils rapportent dans leur pays, équivalent de nos photographies ou vidéos.

Canaletto. The Thames and the City of London from Richmond House, 1747 Canaletto. La Tamise et la City de Londres vues de Richmond House, 1747 Huile sur toile, 105 × 117,5 cm, collection particulière.

♦ Le clair-obscur des débuts

Canaletto. Le Grand Canal vu du Campo San Vio (1723) Le Grand Canal vu du Campo San Vio (1723). Huile sur toile, 144 × 207 cm, Museo del Settecento Veneziano, Ca ‘Rezzonico, Venise.

Ce tableau fait partie d’une série de quatre vedute, dont deux se trouvent dans la collection Thyssen et deux autres au Museo del Settecento à Venise. Les quatre tableaux révèlent l’influence de Marco Ricci (1676-1730), peintre et graveur italien et initiateur du paysage vénitien au tout début du 18e siècle.

Canaletto La Pointe de la douane (1728) La Pointe de la douane (1728). Huile sur toile, 46 × 62,5 cm, Kunsthistorisches Museum, Vienne.

La Dogana da mar (douane de mer), instaurée au 15e siècle, est un mirador et un bureau de douane où les bateaux devaient s’amarrer avant de continuer vers le Rialto, centre commercial de la ville. À l’époque, une chaîne barrait le passage en s’étirant entre des tours de part et d’autre du canal. Les anciens bâtiments de la douane sont aujourd’hui transformés en musée. Sur le tableau, on aperçoit à l’arrière-plan la basilique Santa Maria della Salute.

Canaletto. La cour du maçon (1726-30) La cour du maçon (1726-30). Huile sur toile, 124 × 163 cm, National Gallery, Londres.

Ce tableau atypique de Canaletto ne représente pas un vaste paysage urbain mais un chantier. Malgré son titre, il ne s’agit pas d’une cour de maçon mais des travaux de reconstruction de l’église San Vidal. De l’autre côté du canal apparaît l’église Santa Maria della Carità flanquée de son campanile élancé qui s’effondrera en 1741. Le peintre utilise le contraste entre les couleurs chaudes des bâtiments (jaune, marron, ocre) et les couleurs froides du ciel pour immerger sa composition dans une luminosité méditerranéenne que l’on retrouvera tout au long de sa carrière, même dans les paysages anglais.

La luminosité limpide et la précision du trait

Canaletto. Réception de l’Ambassadeur Bolagno au Palais des Doges, 1729 Réception de l’Ambassadeur Bolagnos au Palais des Doges (1729). Huile sur toile, 265 × 184 cm, collection Crespi, Milan.

Le palais des Doges (à droite) était la résidence officielle des doges (gouvernants) de la République de Venise. Le tableau représente la cérémonie de réception de Giuseppe Bolagnos, envoyé en ambassade par Charles VI, empereur du Saint-Empire romain germanique. Dans une lettre à Charles VI, Giuseppe Bolagnos raconte son agrément par la République de Venise les 15 et 16 mai 1729.

Canaletto. Le Grand Canal et l’Eglise de la Salute, 1730 Le Grand Canal et l’Église de la Salute (1730). Huile sur toile, 49,5 × 72,5 cm, Museum of Fine Arts, Houston.

« Canaletto était un artiste extraordinairement brillant qui améliorait délicatement le thème traité en omettant certains détails soigneusement choisis afin de se concentrer sur l’essentiel. Ses belles couleurs combinent subtilement toutes les nuances que l’on peut associer à Venise, qu’il s’agisse de la ville réelle, de sa mémoire ou de son idéalisation. Exécutées en atelier à partir d’études, ses peintures sont, par conséquent, plus que des restitutions topographiques. Ce sont de pures re-créations intellectuelles. » (Notice musée des Beaux-Arts de Houston)

Canaletto. Entrée de l’arsenal de Venise, 1732 Entrée de l’arsenal de Venise (1732). Huile sur toile, 47 × 78,8 cm, collection particulière.

Cette peinture est l’une des 24 vedute commandées à Canaletto par le duc de Bedford et qui se trouvent encore dans l’abbaye de Wobest. C’est dans cet arsenal ou chantier naval, créé au 12e siècle, que furent construites les puissantes flottes vénitiennes. Le tableau est une vue du canal d’entrée, avec à gauche la grande porte datant de 1460. Les axes verticaux et horizontaux sont tempérés par les diagonales de la passerelle afin de briser le caractère trop statique de la composition.

Canaletto. Retour du Bucentaure au môle le jour de l’Ascension, 1732 Retour du Bucentaure au môle le jour de l’Ascension (1732). Huile sur toile, 77 × 126 cm, collection Royale, Windsor.

Chaque année, le jour de l’Ascension, avait lieu la fête célébrant l’alliance de Venise et de la mer. Le Doge, sur son bucentaure (Bucintoro) jette un anneau d’or dans la mer pour célébrer symboliquement ce mariage. Le Bucentaure, bateau à fond plat richement décoré, apparaît au fond à droite avec son immense drapeau orange. Le massif palais des Doges se trouve en arrière-plan, derrière le Bucentaure et, à gauche, la pointe du Campanile touche le bord de la toile. La place Saint-Marc est visible entre le palais des Doges et le Campanile. Cette composition complexe, très animée, typiquement vénitienne, est un des grands chefs-d’œuvre des vedute.

Canaletto. Le Grand Canal vu du Pont Rialto, 1735 Le Grand Canal vu du pont du Rialto (1735). Huile sur toile, 144 × 207 cm, Ca ‘Rezzonico, Venise.

Le Grand Canal est le plus grand et le plus large des canaux de Venise. Il peut être franchi aujourd’hui par quatre ponts piétonniers, mais jusqu’au 19e siècle, seul le pont du Rialto le traversait. Cette vue est donc celle, améliorée par l’artiste, que pouvaient contempler quotidiennement les vénitiens au 18e siècle.

Les grandes perspectives anglaises

Canaletto. Westminster Bridge, 1746 Le pont de Westminster (1746). Huile sur toile, 96 × 137,5 cm, Yale Center for British Art, New Haven, Connecticut. Le titre complet est Westminster Bridge from the North on Lord Mayor’s Day (Le pont de Westminster vu du nord le jour du Lord-maire).

Ce paysage londonien est animé par Canaletto par les festivités qui accompagnent la désignation du nouveau maire de Londres. Le bateau figurant au premier plan conduit le Lord-maire au palais de Westminster où siège le Parlement britannique, en vue de la prestation de serment. Á l’horizon, sur la partie gauche, on aperçoit l’église Saint-John. Sur l’autre rive, à droite du tableau, apparaît Lambeth Palace, la résidence londonienne de l’archevêque de Canterbury.

Canaletto. The Thames and the City of London from Richmond House, 1747 La Tamise et la City de Londres vues de Richmond House (1747). Huile sur toile, 105 × 117,5 cm, collection particulière.

Le cours majestueux de la rivière, avec en arrière-plan la cathédrale Saint-Paul, se combine à la lumière matinale et au ciel serein. Canaletto traite ce paysage londonien avec la limpidité qu’il avait déjà utilisée à Venise. Au premier plan apparaissent les terrasses de Richmond House et, à gauche, celles de Montagu House.

Canaletto. Warwick Castle (1748-49)Warwick Castle (1748-49). Huile sur toile, 72,4 x 119,9 cm, Yale Center for British Art, New Haven, Connecticut.

« Lorsque Lord Brooke revint de son Grand Tour, il décida que le château de Warwick, son domicile ancestral, devait être mis aux normes de la mode du XVIIIe siècle. […] Après la rénovation, le parc du château de Warwick devait être une retraite privée plutôt qu’une promenade publique. Les peintures idéalisantes de Canaletto ont joué un rôle dans ce processus de rénovation et de réinvention, et Brooke a commandé à l’artiste un total de cinq peintures du château de Warwick. » (Notice Yale Center for British Art)

Canaletto. Northumberland House, 1752 Northumberland House (1752). Huile sur toile, 84 × 137 cm, collection particulière.

Northumberland House à Charing Cross était la résidence londonienne du comte de Northumberland, commanditaire de ce tableau. Cet élégant bâtiment a été détruit en 1873 pour faire place à Northumberland Avenue. La composition offre également un témoignage précieux du milieu urbain de l’époque à une heure matinale. La statue équestre de Charles 1er (1600-1649) par le sculpteur français Hubert Le Sueur (v. 1580-1658), à droite du tableau, se trouve aujourd’hui à l’entrée de Whitehall à Trafalgar Square.

Canaletto. London, Interior of the Rotunda at Ranelagh, 1754 Londres, l’interieur de la Rotonde au Ranelagh (1754). Huile sur toile, 46 × 75,5 cm, National Gallery, Londres.

Les jardins du Ranelagh étaient l’un des principaux jardins publics londoniens au 18e siècle. Situés dans le quartier de Chelsea, ils offraient divers types de divertissement, dont cette rotonde dont Canaletto nous montre l’intérieur. Il s’agissait d’un endroit à la mode où l’on pouvait converser, dîner ou écouter de la musique. Sur le tableau, on aperçoit un orchestre complètement à gauche. Le commanditaire du tableau est Thomas Hollis (1720-1774), un écrivain et philosophe britannique qui possédait neuf œuvres de Canaletto.

Le retour à Venise et les œuvres de la vieillesse

Canaletto. Escalier des Géants du Palais ducal, v. 1765 Escalier des Géants du Palais ducal (v. 1765). Huile sur toile, 42 × 29 cm, collection particulière.

Le palais des Doges ou palais Ducal était la résidence officielle des doges (gouvernants) de la République de Venise et donc le centre du pouvoir politique. Les façades du palais sont de style gothique mais la cour intérieure comporte des éléments de style Renaissance, en particulier cet escalier des Géants qui doit son nom à la présence de deux statues en haut de l’escalier. Il s’agit des statues de Mercure, dieu du commerce, et de Neptune, dieu de la mer, réalisées par Jacopo Sansovino, architecte et sculpteur italien (1486-1570). C’est à cet endroit, entre les deux dieux, que se faisait l’investiture du Doge.

Canaletto. Caprice architectural, v. 1765 Caprice architectural (v. 1765). Ou Perspective avec un portique.

Ce capriccio (paysage imaginaire) est un travail de virtuose sur la perspective. Le peintre multiplie les points de fuite, associe des formes multiples et donne vie à un lieu imaginaire en y plaçant personnages et animaux.

Les héritiers

Canaletto fut le grand maître internationalement reconnu des vedute. Cette renommée lui valut des héritiers de premier ordre comme son neveu Bernardo Bellotto (1721-1780) ou encore Francesco Guardi (1712-1793). Bellotto. Vue générale de Varsovie prise du côté de Praga (1770).

Bellotto. Vue générale de Varsovie du côté de Praga (1770). Huile sur toile, 172,5 × 261 cm, Château Royal de Varsovie.

« Cette toile présente un panorama de la rive gauche de Varsovie vue de la berge opposée de la Vistule. On peut voir dans l’angle inférieur gauche Bellotto travaillant à l’achèvement de cette vue et derrière lui son fils Lorenzo ainsi que, comme on le suppose, le gendre du peintre, le géographe du roi, Herman Karl de Perthées. Le roi Stanislas Auguste est assis juste à côté, une main tendue en direction du panorama de la ville. » (Extrait du dossier de presse de l’exposition Bernardo Bellotto Tableaux du Château Royal de Varsovie, 7 octobre – 10 janvier 2005, musée du Louvre).

Guardi. Vue de la pointe de la Douane en direction de la Chiesa della Salute, 1780Guardi. Vue de la pointe de la Douane en direction de la Chiesa della Salute (1780). Huile sur toile, 56,5 × 76 cm, National Gallery of Art, Washington.

La Basilique Santa Maria della Salute, à Venise, est située à l’extrémité sud du Grand Canal. Construite au 17e siècle, elle est donc toute récente à l’époque du tableau. L’approche picturale, très différente de celle de Canaletto, a pu être qualifiée parfois d’« impressionniste ».

Francesco Guardi. Grand Canal avec le pont du Rialto, v. 1780 Francesco Guardi. Grand Canal avec le pont du Rialto (v.1780). Huile sur toile, 68,5 × 91,5 cm, National Gallery of Art, Washington.

Vue très animée du seul pont qui traversait à l’époque le Grand Canal, sous un ciel vénitien couvert. Le traitement de la lumière est très subtil et ne correspond pas à la limpidité atmosphérique omniprésente chez Canaletto. Guardi choisit un éclairage voilé par la couverture nuageuse.

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